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#1 21-12-2005 19:19:39

Vudock
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Le projet DADVSI : compte-rendu officiel

Si ce qui suit n'a pas sa place ici, n'hésitez pas à déplacer, voir mettre à la poubelle!



Dans un hémicycle complètement dèsert, les députés ont discuté, aprés appel d'urgence, du projet de loi, Droits D'auteur et Droits Voisins dans la Société de l'Information (DADVSI). En voici le compte-rendu analytique officiel


M. Christian Paul - Rappel au Règlement. Cet après-midi, à quelques heures de l'ouverture de ce débat, les lobbies ont pris possession de l'Assemblée nationale (Murmures sur les bancs du groupe UMP). A quelques mètres de l'hémicycle, une opération de promotion commerciale était organisée à votre initiative, Monsieur le ministre, par des plateformes de vente de musique en ligne (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il était remis à chacun des parlementaires qui le souhaitait une carte prépayée de 9,99 €, donnant droit à télécharger gratuitement une dizaine de morceaux de musique (Mêmes mouvements).


M. Frédéric Dutoit - Nous l'avons vu de nos yeux !


M. Christian Paul - Cette action choquante peut être considérée comme une maladresse. En tout état de cause, l'Assemblée devait en être informée. Il est bon de rappeler que nos travaux ne sont pas influencés par des intérêts économiques mais marqués par la recherche de l'intérêt général. Après l'intervention du groupe socialiste, le Président de l'Assemblée a suspendu cette opération.


Mme Christine Boutin - Il a bien fait !


M. Christian Paul - C'est donc dans la sérénité que cette discussion peut s'engager (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).


M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - La discussion que nous entamons ce soir était très attendue. Oui, je n'hésite pas à le dire, c'est un débat historique. Lorsque nous l'aurons mené à son terme, une dynamique positive en faveur de l'accès à la connaissance, de la création et du rayonnement des œuvres sera pour longtemps lancée. Internet est un espace de liberté et de découverte. Ce projet de loi préserve cette liberté et rend possible une offre nouvelle de diffusion des œuvres artistiques et des idées. Il garantit tout autant les droits des internautes que ceux des créateurs en tournant le dos au manichéisme, à l'obscurantisme, à la démagogie facile. Il ouvre une troisième voie entre la jungle de la dérégulation ultralibérale et la geôle que représente l'imposition de contraintes excessives, entre l'anarchie et la tyrannie, entre un univers virtuel sans entraves et les contraintes des procédures. Je suis extrêmement fier de défendre ce texte.


M. Christian Paul - Il n'y a pas de quoi !


M. le Ministre - Seuls les esprits chagrins regretteront que les offres nouvelles soient mises à la disposition des uns et des autres, partout dans le pays, et même à l'Assemblée nationale (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Cette troisième voie, intelligente et humaniste, est celle de la liberté et du respect de l'autre. Ce texte repose sur trois valeurs fondamentales. Premièrement, l'accès du plus grand nombre à la culture. Dans un monde numérique, le consommateur doit pouvoir accéder librement à une offre riche et diversifiée. L'existence de la copie à titre privé sera garantie par ce texte, contrairement à ce que l'on a rapporté.


M. Patrice Martin-Lalande - Très bien !


M. le Ministre - Je suis heureux de corriger devant vous ce premier exemple de la désinformation rampante dont ce texte a fait l'objet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Une nouvelle autorité administrative indépendante, le collège de médiateurs, sera chargée de contrôler le respect de cette garantie. Notre intention n'est ni de verrouiller ni de cadenasser mais de permettre au consommateur de jouir de sa liberté sur Internet. La deuxième valeur essentielle défendue ici est la diversité culturelle, valeur intemporelle qui est entrée dans le droit international avec l'adoption par l'Unesco, le 20 octobre dernier, d'une convention à l'initiative du Président de la République française.


M. Patrice Martin-Lalande - Nous pouvons en être fiers !


M. le Ministre - Cette diversité doit être concrètement protégée pour n'être pas un leurre. Enfin, troisième valeur, d'une importance cruciale dans une société affrontant le défi de la création : le droit d'auteur. En effet, le mouvement des idées et des arts se nourrit sans cesse de nouvelles œuvres qui rencontrent leur public grâce à la démocratisation de la culture, à l'essor des industries culturelles et, aujourd'hui, à l'avènement de la société de l'information et du numérique. Cette évolution est positive à condition que la vitalité et la liberté de création de l'esprit soient protégées dans leur diversité. Ce projet de loi s'enracine dans une longue histoire qui, de l'âge classique à la Révolution, est une véritable conquête. La conquête progressive de la reconnaissance du droit d'auteur qui est d'abord une liberté, l'affranchissement d'une tutelle tantôt bienveillante tantôt pesante qui plaçait les auteurs à la merci des puissants. Ainsi Scarron implorait le Roi :


« De toutes vos vertus, si Votre Majesté
M'en voulait donner une
Celle que je requiers, Sire, c'est Charité,
Qui vous est si commune ;
Elle croîtrait en vous en s'étendant sur moi,
Car telle est sa nature.
Faites en donc l'épreuve, ô magnanime roi,
Sur votre créature. »


Autre temps, autre comportement et c'est un bienfait. De même, La Fontaine, âgé de soixante-treize ans, dédiait ainsi le dernier livre de ses Fables au jeune duc de Bourgogne : « Il faut que je me contente de travailler sous vos ordres. L'envie de vous plaire me tiendra lieu d'une imagination que les ans ont affaiblie. » Le droit d'auteur représente une véritable émancipation née de l'esprit des Lumières, du combat de Beaumarchais et de la fougue du romantisme, faite de reculs et d'avancées successivement. C'est, narrée dans les Illusions Perdues, la faillite de Balzac, face à l'introduction de nouvelles technologies dans l'imprimerie qui entraînera l'avènement d'une nouvelle économie de la presse et du livre au XIXe siècle. C'est l'énergie de Hugo, dénonçant devant un congrès qui ouvre la voie à la reconnaissance internationale du droit d'auteur « ce sophisme singulier, qui serait puéril s'il n'était perfide : la pensée appartient à tous, donc elle ne peut être propriété, donc la propriété littéraire n'existe pas. »


M. Christian Paul - Très beau texte !


M. le Ministre - Les soubassements de l'édifice législatif, dont le rapport de la commission des lois décrit si clairement la genèse, sont profonds.


Pourquoi faut-il légiférer?


M. François Brottes - C'est une vraie question !


M. le Ministre - Tout d'abord, parce qu'il y a urgence juridique. En effet, ce texte a pour origine une directive européenne...


M. François Brottes - C'est un prétexte !


M. le Ministre - ...qui aurait dû être transposée avant le 22 décembre 2002. La France n'est pas la seule à ne pas l'avoir fait...


M. Patrick Bloche - C'est la dernière !


M. le Ministre - ...mais il était grand temps qu'elle le fasse. C'est mon prédécesseur qui a déposé ce projet de loi sur le bureau de votre assemblée. En cette matière comme en d'autres, je me suis attaché à tenir les engagements de la France et à appliquer une méthode : la concertation.


M. Patrick Bloche - Il n'y a eu aucune concertation !


M. le Ministre - Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a longuement examiné ce texte. J'ai entendu les professionnels qui veulent saisir la chance que leur offre le numérique - mais en redoutent la menace - et faire respecter le code de la route des nouvelles autoroutes de la culture.


M. Patrick Bloche - Des lobbies !


M. le Ministre - J'ai entendu les auteurs, attachés au respect de leurs droits. J'ai entendu les internautes de tous âges, pour qui Internet est une formidable source de liberté. Pourtant, liberté ne signifie pas gratuité. C'est pourquoi l'urgence de ce texte est aussi culturelle et politique : il fallait que la représentation nationale en fût saisie. Dès mon arrivée rue de Valois, j'ai présenté en conseil des ministres un plan d'action autour de trois lignes directrices : une approche globale, l'équilibre entre accroissement de l'offre culturelle légale et lutte contre la contrefaçon numérique, et la concertation, afin de décloisonner le monde de la culture et celui des nouvelles technologies. Pourquoi les donneurs de leçons - qui n'ont pas réglé le problème en leur temps - n'ont-ils pas engagé une telle concertation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)


M. Patrick Bloche - Et M. Aillagon ?


M. le Ministre - Après le vote de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, il était urgent de renouer les fils du dialogue pour en finir avec les clichés et les anathèmes. Je souhaite que ce débat permette à nos concitoyens de mieux comprendre les enjeux actuels et les valeurs qui sont les nôtres, afin d'éviter toute idée fausse. Ce dialogue a abouti le 28 juillet 2005 à la signature, à l'Olympia, de la charte « musique et Internet », qui renforce la prévention et la sensibilisation des jeunes internautes - notamment les collégiens - à la civilité de l'Internet, tout en développant l'offre légale de musique en ligne. Le Gouvernement a confié au forum des droits sur l'Internet la rédaction d'un guide pédagogique du téléchargement. M. Loos et moi-même lancerons dès janvier une campagne de prévention de la contrefaçon numérique. De leur côté, les fournisseurs d'accès à Internet ont largement moralisé leur publicité et diffusent des vidéos de sensibilisation réalisées par la filière musicale. Les producteurs de disques ont largement engagé la numérisation de leurs catalogues. Le baromètre de l'offre musicale en ligne, mis en place par le Gouvernement au sein de l'Observatoire de la musique, montre que l'offre musicale en France est passée de 300 000 titres fin 2004 à plus de 700 000 un an plus tard !


Mesdames et Messieurs les députés, soyez fiers du travail juridique que vous allez accomplir. Les normes que vous édicterez permettront l'enrichissement des catalogues. Ni censeurs, ni castrateurs ! Nous accroîtrons ainsi l'offre garantie à tous nos concitoyens, des aînés aux plus jeunes - car ne tombons pas dans la caricature : nombreuses sont les personnes âgées qui sont des internautes patentés ! Tous ceux qui auront la lucidité de soutenir ce projet doivent être fiers de la sécurité juridique qu'il instaure au service d'une offre musicale élargie. Une campagne de promotion du téléchargement légal a été lancée en janvier 2005 avec le concours de 14 artistes. Le Gouvernement a confié à MM. Brugidou et Kahn une mission d'expertise des technologies de filtrage afin de proposer aux internautes des outils de protection contre la contrefaçon : plusieurs outils de protection et d'observation sont à l'étude.


M. Didier Mathus - C'est la Corée du Nord !


M. le Ministre - J'ai également mené avec énergie et persévérance le dialogue entre les professionnels du cinéma, de la télévision et de l'Internet : nous avons abouti cet après-midi même à un accord capital sur le cinéma à la demande (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), accord qui permettra de développer l'offre légale sans déstabiliser la filière. En quelques semaines, nous avons fait en sorte de mettre les nouvelles technologies à la disposition de chacun : soyons-en fiers ! Depuis quinze jours, dix-huit chaînes gratuites sont accessibles à tous nos concitoyens - à l'exception de certaines zones géographiques. Et l'accord d'aujourd'hui, pour lequel je remercie tous les partenaires impliqués, illustre notre volonté de réussir la rencontre entre technologie et diversité culturelle. Ce dialogue devait aussi proposer des solutions alternatives aux poursuites judiciaires avec une réponse graduée dont, Monsieur le rapporteur, vous soulignez à juste titre la nécessité. L'avertissement doit précéder la sanction. Là aussi, ras-le-bol de la caricature !


M. Christian Paul - Et l'hypocrisie, ça suffit !


M. le Ministre - Le Gouvernement souhaite responsabiliser et informer tous ceux qui accèdent à la culture par Internet, sans donner la priorité aux sanctions pénales. Nous ne voulons pas d'un monde où ceux qui s'enrichissent au détriment des jeunes et des internautes ne seraient pas pénalisés, alors que les internautes le seraient ! Avant que je ne fasse de l'autosatisfaction prématurée, bien de l'eau aura coulé sous les ponts de Paris et de Tours !


M. Christian Paul - Pour la modestie, il ne craint personne !


M. le Ministre - Cette réponse graduée correspond au souci qu'ont de nombreux Etats dans le monde de concilier l'accès des internautes à la création avec le respect des auteurs. On ne peut pas dénoncer notre projet et considérer la gratuité comme la panacée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), tout en exigeant une grande vigilance à l'égard de la situation des artistes et techniciens.


M. Patrick Bloche - Mensonges ! Nous ne demandons pas la gratuité, vous le savez bien !


M. le Ministre - J'ai souhaité que s'engage un dialogue entre les titulaires de droits et le ministère de l'éducation nationale afin d'autoriser l'usage pédagogique d'œuvres protégées. Les négociations que nous avons lancées en janvier dernier entre l'éducation nationale et les ayants droit de la musique, du livre, de la presse écrite, des arts plastiques et de l'audiovisuel sont en train d'aboutir. On permettra ainsi l'accès à la connaissance sans léser les détenteurs de droits. En outre, une mission de concertation entre bibliothécaires et éditeurs a été confiée à M. Staas, dont le rapport rendu en juin formule plusieurs propositions novatrices. Toutes ces actions ont un objectif unique : développer de nouvelles offres et de nouveaux usages dans le respect des droits des créateurs. Il faut réhabiliter la démarche contractuelle : le droit d'auteur doit permettre plutôt qu'interdire.


Pour autant, il nous faut nous doter d'un cadre juridique propice à l'émergence de ces nouvelles offres. N'envisageons pas le droit d'auteur sous son seul aspect technique, car il accompagne la vie de tous ceux - lecteurs, internautes, auditeurs ou téléspectateurs - qui goûtent chaque jour à la culture. Nombreux sont aujourd'hui nos concitoyens qui s'interrogent sur leurs droits ; nombreux aussi ceux qui succombent aux sirènes leur annonçant l'accès gratuit et illimité à la culture (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Notre débat aura donc une vertu pédagogique, fera justice du leurre démagogique de la gratuité, déjouera les craintes infondées et permettra d'opposer des réponses adaptées à l'évolution rapide des techniques. Les créateurs doivent continuer à pouvoir vivre de leur travail, qui doit être rémunéré.


M. Patrick Bloche - Absolument !


M. le Ministre - La rémunération des créateurs est légitime et nécessaire à la diversité culturelle - chacun, je l'espère, soutient ce principe. Ne pas rémunérer la création ou la rémunérer forfaitairement, c'est l'assécher en favorisant la concentration et en décourageant la prise de risques. Il est un leurre, qui se perd dans la dialectique du rêve : le sentiment de l'accessibilité infinie au marché mondial. C'est un rêve que chacun peut légitimement faire, surtout les jeunes créateurs qui, quel que soit leur domaine d'expression et où qu'ils soient dans le monde, se disent qu'Internet est une chance pour eux d'avoir un rayonnement mondial. Internet peut certes être une chance formidable, mais à condition que l'on ne s'y noie pas. Il faut être repéré, détecté, reconnu. Le risque de concentration autour de quelques artistes installés est réel. Une juste distinction doit s'opérer entre la découverte librement consentie des talents et le pillage de leur œuvre. Qu'on ne s'y trompe d'ailleurs pas : Internet ne détournera pas le public de la magie du spectacle vivant. Il peut, et doit, mieux le faire connaître à tous les publics, en particulier aux plus jeunes, ce qui passe par l'amplification des actions d'éducation à l'image. La perspective d'une diffusion immédiate et mondiale suscite parfois de faux espoirs, voire des illusions dangereuses. Le rêve d'un jeune artiste est bien la rencontre avec son public !


Il y a urgence : une urgence économique, car le modèle économique de la création est en jeu - celui de la prise de risque et de l'investissement, tant financier que personnel, sans lesquels il n'y a pas de création, et donc pas de diversité culturelle et pas d'emplois dans le secteur, ce qui entraîne donc une urgence sociale. Pour y répondre, nous vous proposons un texte d'équilibre. La propriété littéraire et artistique ne couvre pas les idées mais leur expression, n'a qu'une durée limitée et peut faire l'objet d'exceptions, notamment pour l'usage privé, qui reste garanti. La révolution numérique ouvre des perspectives extraordinaires d'accès à la culture et l'innovation est permanente : la TNT, déjà entrée dans un million de foyers, le câble numérique, l'ADSL ou la vidéo à la demande, par exemple, sans compter les progrès de la couverture de l'Internet à haut débit, voulue par le Gouvernement... Il est clair que des chances nouvelles d'accès à la culture pour tous se développent, bien au-delà des usines à rêve qu'imaginait Malraux en créant le ministère de la culture. De nouvelles offres de téléchargement de musique ont également explosé depuis l'été 2004 : plus d'une vingtaine de plateformes légales sont désormais accessibles, offrant au public de larges catalogues dans des conditions attractives, puisque le prix d'un titre est inférieur à un euro.


M. Didier Mathus - Vous faites leur promotion ?


M. le Ministre - Ces offres rencontrent un grand succès : les téléchargements ont augmenté de 260% en un an.


M. Didier Mathus - C'est normal, il n'y en avait pas avant !


M. le Ministre - Les offres ne cessent de se diversifier, de nouveaux modèles économiques apparaissent. De nouvelles plateformes pour le cinéma et l'audiovisuel se mettent actuellement en place. A ce propos, je veux récuser toute idée de forfaitisation de la rémunération des créateurs - licence globale ou légale. Cette fausse bonne idée revient, en fait, à renchérir le coût de l'abonnement pour le consommateur, et à appauvrir le créateur puisque sa rémunération ne tient pas compte de l'exploitation et du succès de son œuvre. Si certains distributeurs veulent créer des offres forfaitaires, c'est à eux d'en assumer les risques, en aucun cas aux créateurs. C'est ce que vous aviez fort justement décidé en 2001, à propos des abonnements au cinéma. J'ai souhaité, avec mon collègue chargé du travail, qu'un dialogue s'engage entre les interprètes et les éditeurs de phonogrammes, afin que la rémunération des œuvres et de leur utilisation soit garantie par un accord collectif.


L'émergence de nouvelles offres légales est au cœur du projet de loi. Il faut en effet apporter des réponses à ce paradoxe : jamais l'accès à la culture n'aura été aussi facile, mais jamais la création n'aura été aussi menacée - non seulement nos capacités de rêver, mais aussi nos emplois et notre rayonnement dans le monde, notre attitude collective face à l'avenir. La grande différence entre l'analogique et le numérique, c'est que ce dernier rend possible de fabriquer un très grand nombre d'originaux. Il fallait donc trouver la formule permettant de préserver l'exception pour copie privée sans alimenter pour autant la contrefaçon, qui n'est rien d'autre que du vol. L'efficacité des nouveaux systèmes d'échange de fichiers est formidable, mais devient redoutable quand ils sont le vecteur de la contrefaçon. Utilisant généralement les technologies de pair à pair, ils permettent d'accéder à de nombreuses œuvres dans des conditions de qualité identiques à celles qui président à la découverte de l'original. L'illusion de la gratuité conduit désormais une partie des consommateurs à considérer que toute offre payante est trop chère et oblige les industries culturelles à baisser leurs prix, pour limiter la baisse des ventes en volume, mais ce qui réduit leur chiffre d'affaires et donc les ressources pour investir dans de nouveaux talents. On entre alors dans un cercle vicieux, le manque de création risquant d'entraîner une désaffection du public. Le rôle du législateur est de créer les conditions économiques permettant au marché de déterminer un prix attractif pour le consommateur et suffisant pour le créateur.


Oui, il était urgent de légiférer. Ce projet poursuit quatre objectifs principaux : définir des exceptions nouvelles ; organiser les mesures techniques de protection qui permettent aux titulaires de droits de mettre en ligne en toute confiance leurs œuvres ; inciter, par de nouveaux dispositifs, les consommateurs et les éditeurs de logiciels de pair à pair à rentrer dans la légalité ; enfin, réhabiliter le statut d'auteur des agents publics et améliorer le contrôle des statuts des sociétés de droits par le ministère de la culture.


La directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information avait pour objet de créer une seule exception obligatoire, visant à permettre les copies techniques nécessaires à la transmission des œuvres sur les réseaux de communication. Elle n'avait pas pour objet d'harmoniser toutes les exceptions en Europe, mais d'en harmoniser les contours. Le Gouvernement a souhaité maintenir l'équilibre existant en droit français sans créer d'exceptions supplémentaires, sauf une en faveur des personnes handicapées, qui sont une des priorités du quinquennat. Une exception a donc été prévue pour permettre à des organismes agréés, tels que des associations ou des bibliothèques, de produire des transcriptions dans des formats adaptés comme le braille ou même de rendre accessibles des œuvres numérisées sur des terminaux électroniques adaptés.


Le Gouvernement a également souhaité moderniser le dépôt légal, conservation de notre mémoire collective, témoignage pour les générations futures et aussi ressource extraordinaire pour nos chercheurs et nos historiens. Le projet de loi crée ainsi le dépôt légal de la Toile. Le patrimoine d'Internet, espace majeur d'information et d'échange, est en effet mouvant et éphémère. La nouvelle forme du dépôt légal se fera sur Internet par la collecte des sites. De nombreuses expérimentations ont déjà été menées et l'Institut national de l'audiovisuel et la Bibliothèque nationale de France sont prêts.


Le projet autorise en outre la numérisation des œuvres déposées et leur consultation sur un réseau local, ce qui allégera considérablement les tâches de manipulation et facilitera l'accès des chercheurs à ce patrimoine inestimable.


En ce qui concerne les mesures techniques de protection, il convient de dissiper quelques malentendus : ce projet ne crée pas les mesures techniques, qui existent depuis vingt ans pour les cassettes vidéo et dix pour les DVD. Ce ne sont pas des mesures de verrouillage des œuvres et de la copie : au contraire, en intégrant des systèmes de gestion des droits, elles permettent l'émergence de nouvelles offres et de nouveaux modèles économiques. Entre ceux qui souhaitent la disparition de la copie privée et ceux qui veulent une copie sans limite, je veux maintenir un équilibre pour conserver une vraie copie privée - et sa légitime rémunération. La copie privée est préservée, mais adaptée à l'univers numérique, qui permet de fabriquer un très grand nombre d'originaux. J'espère que ce rappel sera entendu.


C'est dans cet esprit que le projet institue un collège de médiateurs, autorité administrative indépendante chargée de réguler les mesures techniques et de mesurer leur conformité avec les exceptions légales. Ce collège constitue une garantie formidable pour les consommateurs, puisqu'il pourra être saisi par eux ou leurs associations de tout litige concernant une mesure technique qui priverait du bénéfice de l'exception pour copie privée - dont je rappelle qu'elle concerne le cercle de famille. Quiconque aura, grâce à Internet, aimé une musique ou un film, pourra transmettre le plaisir à ses proches : le projet le garantit !


M. Patrick Bloche - C'est faux !


M. le Ministre - Cela vous dérange, mais c'est vrai !


Afin d'éviter que certains spécialistes du piratage puissent contourner les mesures techniques, le projet de loi crée une sanction. Ne faites pas naître de fausses peurs : les consommateurs de bonne foi ne sont absolument pas concernés ! Lorsqu'ils seront en train de télécharger, ils vont recevoir un message leur disant qu'ils sont hors la loi. Ils seront informés, prévenus. Qu'on arrête donc de dire que ce projet de loi organise la sanction pénale des jeunes internautes, c'est de la désinformation !


Plusieurs députés socialistes - Non !


M. le Ministre - C'est le contraire de l'esprit de la loi ! Surtout, ce projet crée une sanction contre la fourniture de moyens destinés à faciliter le contournement, afin d'éviter ce genre d'activités qui tire profit de l'incitation à enfreindre la loi. Ces dispositions n'ont pas pour autant pour objet - méfions-nous des amalgames -, de créer un dispositif d'agrément des logiciels de lecture ou de remettre en cause les exceptions existantes, comme la décompilation, qui bénéficie notamment aux logiciels libres.

En ce qui concerne ces derniers, je veux apporter de la clarté là où d'autres se complaisent dans la confusion et les raccourcis abusifs. Je tiens à ce que le projet de loi permette d'éviter les monopoles indus. C'est pourquoi je vais déposer un amendement permettant d'assurer le respect du droit de la concurrence aux fournisseurs des mesures techniques de protection (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le projet contient une disposition particulièrement novatrice, destinée à faciliter l'interopérabilité en favorisant l'accès à des licences croisées, permettant de rendre compatibles les plateformes d'offres en ligne et les lecteurs. Voilà un projet d'ouverture, dont la légalité fera l'objet d'un examen attentif de notre part, et qui va au-delà des prescriptions de la directive : il permet d'éviter le cloisonnement de l'offre, un non-sens industriel, et est indispensable au marché.

Ces mesures techniques, qui permettent également de lutter contre la contrefaçon à la source, ne sont toutefois pas suffisantes. Il se trouvera toujours un spécialiste qui les contournera, obtiendra un exemplaire non protégé de l'œuvre et le diffusera sur les nouveaux réseaux à haut débit, notamment sur les systèmes pair à pair. Il est donc indispensable de se doter de moyens de prévention efficaces, à destination du grand public échangeant des œuvres de façon illicite : c'est l'objectif du mécanisme de réponse graduée.


M. Didier Mathus - Tous en taule !


M. le Ministre - Vous auriez aimé que ce Gouvernement en reste à l'alternative entre la dérégulation ultralibérale et la sanction pénale. Mais notre solution apparaît comme novatrice au sein de l'Union européenne...


M. Patrick Bloche - Votez nos amendements, voilà l'innovation !


M. le Ministre - C'est celle de la réponse graduée et la majorité présidentielle peut s'en enorgueillir !


M. Patrick Bloche - Elle est au service des majors !


M. le Ministre - Le Gouvernement a souhaité insérer ce dispositif dans le projet par amendement.


M. Patrick Bloche - C'est honteux, ces amendements ont été déposés au dernier moment !


M. le Ministre - L'objectif premier de cet amendement est la prévention, l'information, donc la responsabilité...


M. Christian Paul - Vous appelez cela de la concertation ! Les lobbies avaient les amendements avant le Parlement !


M. Patrick Bloche - Vous bafouez le Parlement !


M. le Ministre - ...Il respecte pleinement les libertés individuelles et présente le maximum de garanties au regard des droits de la défense des internautes, qui recevront préalablement une mise en demeure, par courrier électronique ou par lettre recommandée. S'ils n'en tiennent pas compte, ils seront, après une procédure contradictoire écrite, passibles d'une sanction financière dont le prononcé sera laissé à l'appréciation du collège des médiateurs. II est également nécessaire de préciser que le dispositif de recherche d'infraction restera soumis à l'autorisation de la CNIL.


M. Patrick Bloche - Votre objectif est de contourner la CNIL !


M. le Ministre - Ce projet de loi permet ainsi un équilibre entre la dépénalisation de la contrefaçon numérique et la création de nouveaux mécanismes répressifs. En effet, il préserve les capacités d'action en justice des titulaires de droit pour les cas graves, tout en permettant une prévention personnalisée. Les garanties quant à la confidentialité des informations nominatives ont été prises en liaison étroite avec la chancellerie et la CNIL. Ce dispositif doit être complété par une action en amont, notamment à l'égard de certains éditeurs de logiciels qui font des profits en donnant l'accès gratuit à la culture tout en trompant leurs utilisateurs, qui seuls risquent des poursuites judiciaires. Cette incitation à la contrefaçon va également à l'encontre de la sensibilisation entreprise par le Gouvernement et les professionnels.

Là encore, évitons la caricature : il ne s'agit en aucun cas de condamner la technologie pair à pair, qui ouvre des perspectives importantes pour la culture, mais de favoriser l'émergence d'offres légales utilisant cette technologie, comme cela commence à être le cas outre-Atlantique. Il faut aussi responsabiliser les éditeurs de logiciels afin qu'ils en évitent les usages illicites. Il pourrait s'agir notamment de mesures d'identification des œuvres concernées, mais la loi n'impose bien sûr aucune technologie particulière.

Ce projet nous offre aussi l'occasion de transposer, également dans l'urgence puisqu'il faut le faire avant le 31 décembre, la directive relative au droit de suite. Le droit de suite est un pourcentage versé aux artistes plasticiens et à leurs héritiers lors de chacune des reventes successives de leurs œuvres. En France, ce droit, qui existe depuis 1920, est de 3% mais il n'est, dans les faits, appliqué qu'aux ventes publiques aux enchères. Une minorité de pays de l'Union Européenne n'appliquent pas le droit de suite : ainsi le Royaume-Uni, place dominante du marché de l'art contemporain. La directive du 27 septembre 2001 harmonise le droit de suite et les taux applicables à l'ensemble des pays de l'Union, ce qui est une bonne chose pour le rayonnement artistique de notre pays, compte tenu de la concurrence que se livrent Paris et Londres.


Cette directive permettra à nos professionnels de travailler dans des conditions égales à celles en vigueur à Londres et dans le reste de l'Europe. Elle instaure une dégressivité des taux applicables en fonction du montant de la vente et plafonne à 12 500 € le droit susceptible d'être versé pour une œuvre. Cela devrait éviter la délocalisation des ventes vers les places dépourvues de droit de suite, notamment New-York.


Toutefois, les professionnels sont inquiets : c'est le cas des galeristes qui, de fait, n'appliquaient pas le droit de suite, mais cotisaient en contrepartie au régime de sécurité sociale des artistes ; les sociétés de ventes volontaires verront pour leur part le droit de suite augmenter d'environ 25%. C'est pourquoi, comme l'a demandé le Premier ministre lors du discours à la Fiac, le Gouvernement fera en sorte que le décret d'application permette une transposition aussi proche que possible des conditions dont bénéficieront les Britanniques, afin d'éviter tout exode du marché de l'art vers Londres.

Le Gouvernement sera notamment vigilant sur les délais d'adaptation : en effet, les Etats membres qui n'appliquaient pas le droit de suite ont obtenu d'en dispenser les ventes d'oeuvres d'artistes décédés jusqu'en 2010, voire 2012, au risque de créer artificiellement pendant quatre à six ans une dégradation des termes de la concurrence au détriment des galeries françaises.

Le même décret fixera le seuil de prix de vente à partir duquel s'applique le droit de suite, seuil que les représentants des artistes souhaitent aussi proche que possible du seuil actuel de 15 €, mais que les professionnels souhaitent voir atteindre le maximum prévu par la directive, soit 3 000 €. J'ai l'intention de le fixer à 1 000 € : ce relèvement mettra la France au niveau de nos plus proches concurrents, la Belgique et le Royaume-Uni, et allégera considérablement les formalités administratives. Le temps gagné par les galeries et les sociétés de vente compensera ainsi l'accroissement du droit de suite. Ce seuil plus élevé ne dissuadera pas les intermédiaires de vendre des œuvres dont le coût unitaire est limité, le temps passé aux formalités coûtant parfois plus cher que le droit de suite lui-même !

Enfin, la directive prévoit que la Commission européenne présentera avant le 1er janvier 2009 un rapport sur l'application et les effets de la directive, notamment du point de vue de la compétitivité du marché européen. Ce rendez-vous sera l'occasion de s'interroger à nouveau sur l'opportunité de ce droit.

C'est parce que le droit de suite est un droit d'auteur que la France a été à l'origine de cette directive. Et c'est parce que la France est attachée au droit d'auteur que le Gouvernement sera attentif à ce que tous les Etats membres la transposent dans les délais convenus.

Je tiens enfin à rendre hommage au travail remarquable de votre commission, effectué en extrême urgence pour ce qui est du droit de suite. Dans l'ensemble, ce projet de loi n'a d'autre objectif que de concilier la pérennité de la création et l'accès le plus large à la culture, l'un des plus grands acquis et l'un des plus grands défis de notre temps.

Nous devons faire en sorte que les technologies faites pour le progrès des hommes permettent aussi d'assurer le développement durable et la diversité des œuvres de l'esprit. C'est là l'une des missions les plus nobles du législateur. Puissiez-vous faire en sorte que, comme l'a déclaré récemment l'historien Roger Chartier, le droit d'auteur ne soit pas qu'une parenthèse dans notre histoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).


M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois - Le texte qui nous est proposé aujourd'hui est un texte modeste...


M. Christian Paul - Est-il modeste ou historique ?


M. le Rapporteur - ...car il s'agit de la transposition d'une directive européenne. Cette transposition est d'ailleurs tardive puisque la directive sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information date du 22 mai 2001 et que la France a été condamnée pour manquement en janvier puis en juin. Il y a donc lieu de se réjouir que l'urgence ait été déclarée.


A la transposition de cette directive ont été ajoutées quelques mesures concernant le droit des auteurs membres de la fonction publique, le fonctionnement des sociétés de perception et de répartition des droits d'auteurs et droits voisins, le dépôt légal, et bien sûr, des dispositions propres aux collectivités d'outre-mer.


Si ce texte est modeste, il se situe au confluent de deux réalités considérables. La première, c'est la révolution numérique : Marshall Mac Luhan dans la Galaxie Gutenberg, a souligné l'importance du passage de la communication de l'écrit à celle des mass media, la soumission au flux d'images et de sons véhiculé par voie hertzienne se substituant à la découverte personnelle des textes et des auteurs. Depuis vingt ans, nous sommes passés de la galaxie Mac Luhan à la galaxie Bill Gates...


M. Christian Paul - On peut trouver d'autres parrainages !


M. le Rapporteur - L'univers numérique est marqué par trois phénomènes essentiels : les frontières disparaissent, les modes de communication fusionnent et les outils se rejoignent, les sons, les images et les textes passant par une même voie. La compression numérique permet la conservation et la duplication quasi parfaites des œuvres. La fibre optique et la largeur des bandes augmentent de manière vertigineuse la rapidité et la quantité des informations. Révolution plus importante encore, la communication informatique et numérique favorise un véritable retour à la liberté de choix et à la convivialité du dialogue, après la « foule solitaire » dont parle David Riesmann, foule anonyme, passive et pétrie par le même message de grandes chaînes de télévision nationales. Elle constitue un monde plus individualiste, ou plutôt plus personnaliste, où l'intelligence active n'est plus seulement du côté de l'émetteur mais à la périphérie, chez tous les internautes - que l'on songe aux blogs ou au peer to peer.


Cette révolution rencontre une tradition : celle du droit d'auteur. Il s'agit d'un défi parce que le nombre d'échanges de fichiers, l'effacement des frontières et des distances, la quantité des conservations et des reproductions, la liberté d'initiative et de choix créent un vaste espace où de nombreuses œuvres peuvent être redécouvertes ou présentées en toute bonne conscience, alors que leurs auteurs n'auront été ni justement rémunérés ni même consultés. Une liberté quelque peu anarchique conduit au piratage et donc à la disparition de la création. Selon les syndicats de producteurs de phonogrammes, en l'espace de quatre ans, le marché de la musique aura perdu 409 millions. Cette forte baisse n'est pas sans conséquence sur la création musicale et sur l'emploi. Ainsi, les effectifs des maisons de disques ont chuté de 22% entre 2001 et 2004 et la production musicale s'est fortement ralentie. Pendant la même période, le nombre d'albums commercialisés a chuté de 23% - de 20% pour les premiers albums de jeunes artistes francophones. En 1999, deux milliards de fichiers musicaux étaient échangés sur Internet ; en 2003, 150 milliards. Dans le même temps, le marché des phonogrammes passait de 38,7 à 29 milliards. Le risque pour la filière du cinéma est plus considérable encore puisque 16 millions d'internautes disposant d'un accès à domicile avaient déjà téléchargé des films gratuitement sur Internet. En raison du très bon équipement en haut débit des internautes français, la menace est particulièrement inquiétante pour le cinéma français et pour la diversité culturelle.


M. Dominique Richard - Evidemment.


M. le Rapporteur - Une étude du CNC parue en mai 2004 concluait que 21% des « téléchargeurs » avaient réduit leur fréquentation des salles de cinéma. Or, le téléchargement illicite d'un fichier américain, avant sa sortie en France, prive le cinéma français d'une part de son financement par la taxe sur les prix des places en salles. Actuellement, le cinéma français est financé grâce à la succession de la projection en salle, de l'édition en DVD et de la diffusion par la télévision payante puis par les chaînes hertziennes gratuites.


Mais le défi que le monde numérique lance à la création contient sa propre réponse car le numérique, c'est aussi la possibilité de codes, de filtres, de limitation du nombre de copies. C'est également la possibilité de gérer les droits de manière équitable et précise de sorte que le lien entre l'utilisateur et le créateur soit à la fois personnalisé et juste. Cette possibilité est au cœur de la directive et donc du projet de loi.


Mon rapport est fondé sur une idée force : l'équilibre, afin que soit préservée et vivifiée la création culturelle. Il faut donc que les auteurs et les interprètes soient justement rémunérés, que les risques économiques encourus par les entreprises soient limités et, enfin, que les consommateurs trouvent un juste équilibre entre leur liberté et la pérennité de la source de ce qu'ils aiment, entre leur sécurité d'utilisateur et la préservation des intérêts sans lesquels la filière culturelle n'existerait plus, entre la mise en œuvre des dispositifs de protection des ayants droit et la transparence qui doit régner dans la démocratie numérique.


Le titre premier du projet correspond à la transposition de la directive européenne. Son premier chapitre détermine les exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins. Les articles 1 à 3 visent à intégrer deux exceptions dans le code de la propriété intellectuelle pour les auteurs, les titulaires de droits voisins et ceux de droits sur les bases de données : la première, obligatoire, est circonscrite aux aspects transitoires techniques ; la seconde concerne les personnes handicapées. Le principe du test en trois étapes afin d'encadrer la mise en œuvre des exceptions, ce en référence à l'article de la convention de l'OMPI du 20 décembre 1996, est inscrit dans notre droit de manière transversale. Les exceptions ne doivent concerner que des cas spéciaux et ne doivent pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ou du droit protégé, ni porter préjudice de manière injustifiée aux intérêts légitimes des propriétaires de droits. Le nombre des exceptions est réduit au minimum pour obéir à la règle du test en trois étapes et tenir compte de la fragilité économique des filières qui pourraient être touchées par l'élargissement des exceptions. Parce qu'il importe de maintenir notamment la place de la langue française et des éditions françaises dans les domaines scolaires et universitaires ainsi que la très grande diversité des situations, il a été jugé préférable de laisser à la convention le soin d'épouser la variété du terrain.


Le second chapitre conforte le principe de la copie privée, c'est-à-dire la possibilité pour un utilisateur d'effectuer une copie à usage strictement domestique, sans remise de droits aux titulaires. Dans le même souci de protéger les intérêts du consommateur, la commission a adopté un amendement tendant à améliorer la transparence des travaux de la commission pour copie privée.


Le troisième chapitre est la clef de voûte du texte puisqu'il porte sur les mesures techniques de protection et d'information. L'article 7, en particulier, constitue le cœur du dispositif puisqu'il introduit dans le droit français l'autorisation et la protection des mesures techniques qui permettent de contrôler l'accès aux œuvres sous forme numérique et aux autres objets de droits voisins : défense des auteurs contre un excès de mesures techniques de protection - celles-ci doivent être connues et voulues par les titulaires de droits - ; protection des mesures techniques contre le piratage et leur contournement qui deviennent des délits de contrefaçon - notamment lorsqu'il s'agit des droits d'auteur - ; protection du consommateur qui doit être informé des limites d'utilisation et de copie et se voir garantir autant que faire se peut la compatibilité des formats et des matériels ainsi que leur interopérabilité ; protection enfin des bénéficiaires de l'exception pour personnes handicapées et réaffirmation du droit à la copie privée. Un collège des médiateurs est créé afin de permettre le plus tôt possible un juste équilibre entre la protection des ayants droit et le souci légitime d'utilisation des consommateurs. La saisine de ce collège sera très large, puisque ouverte à toute personne bénéficiaire des deux exceptions protégées et à toute personne morale agréée pour représenter en justice les consommateurs individuels. La commission a adopté un amendement visant à permettre la saisine a priori afin de limiter les contentieux trop tardifs, et un autre fixant à deux mois le délai pour que le collège statue. Elle a conforté la copie privée et rejeté la tentation de la licence légale, taxation désuète et absurde dans un espace mondialisé - plus absurde encore au temps du peer to peer. Il s'agit aujourd'hui de légaliser le peer to peer en décourageant non seulement le piratage mais aussi ceux qui le facilitent ou le stimulent, éditeurs de logiciels ou fournisseurs d'accès. Pour ce faire, à côté des sanctions et avant elles, doivent être mises en œuvre deux démarches alternatives : la réponse graduée, pédagogique avant que d'être répressive, et l'offre de serveurs légaux. Cette conception, annoncée par la charte de juillet 2004, devrait être confortée aujourd'hui par la loi afin notamment de respecter les observations légitimes de la CNIL.


Les autres titres du texte ont une importance plus modeste. Le titre II tend à étendre aux agents publics la conception personnaliste et libérale du droit d'auteur à la française. Il vise ainsi à leur reconnaître un droit d'auteur tout en assortissant celui-ci de garanties propres à assurer la continuité du service public. L'article 16 fait bénéficier les agents publics du principe fondateur du droit de la propriété intellectuelle, grâce à un régime analogue à celui applicable aux salariés de droit privé. L'article 18 permet un intéressement des fonctionnaires-auteurs.


Le titre III vise à améliorer le contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits. Il s'agit tout d'abord d'allonger le délai de saisine du TGI par le ministre pour s'opposer à la création d'une société, tout en élargissant les motifs de demande de sanction judicaire. Il s'agit ensuite d'harmoniser les règles comptables des SPRD en application des conclusions de la commission permanente de contrôle de décembre 2002.


Le titre IV touche au dépôt légal. Il vise avant tout à étendre le principe de la conservation patrimoniale à la communication au public par voie électronique. L'INA se chargera des cinq mille sites Internet liés à la radio et à la télévision ; la BNF se consacrera, quant à elle, au dépôt légal des 200 000 autres sites retenus non relatifs aux médias et dont la taille moyenne est en général beaucoup plus limitée. Les organismes dépositaires légaux - BNF pour l'écrit, le son, les CD-roms et le multimédia, INA pour l'audiovisuel, CNC pour la vidéo et le cinéma -, ne sont pas affranchis du droit de la propriété intellectuelle, qui encadre donc la consultation. Là encore, c'est l'équilibre qui prévaut entre la préservation des droits exclusifs de communication et de reproduction et l'intérêt général, qui conduit à ouvrir la consultation aux chercheurs et à reproduire les oeuvres pour mieux les conserver, mais avec des garanties sérieuses quant à cette utilisation.


Le titre V porte sur l'application du texte dans les collectivités territoriales d'outre-mer.


Enfin, l'article 29 comprend des mesures transitoires dont la principale consiste à instituer un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi pour que les personnes soumises à ce nouveau dépôt légal s'y conforment.


Ce texte est porteur d'une grande ambition...


M. Christian Paul - Historique ! (Sourires)


M. le Rapporteur - ...car il constitue une étape supplémentaire dans le combat pour affirmer la suprématie et la pérennité de la richesse intellectuelle. « La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable et la plus personnelle des propriétés est l'ouvrage de la pensée » : loin de remettre en cause cette célèbre formule de Le Chapelier, la technique d'aujourd'hui permet de la rendre plus vivante. Marier la liberté de la création avec celle de l'accès de tous à la culture, telle est l'ambition de ce texte dont je vous félicite, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Hors ligne

#2 21-12-2005 19:20:51

Vudock
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Re : Le projet DADVSI : compte-rendu officiel

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ


Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.


M. Frédéric Dutoit - Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur le ministre, l'empilage de grands mots et de citations ne peut tenir lieu d'argumentation.


M. Patrick Bloche - Très bien.


M. Frédéric Dutoit - Si je me fais peu d'illusions sur le sort de cette exception d'irrecevabilité, je crains d'autant plus que votre texte n'ait de graves conséquences sur la vie quotidienne de millions de citoyens et d'utilisateurs de données numériques, des conséquences sociales, technologiques, économiques et géo-stratégiques qui auraient dû appeler ses rédacteurs à plus de prudence et le Gouvernement à plus de circonspection. Mais au contraire, ce texte a fait l'objet d'une déclaration d'urgence au prétexte de satisfaire un calendrier européen de transposition du droit. L'argument est plutôt fragile lorsque l'on sait que la Commission européenne travaille déjà à la modification de la directive en question sur des points tout à fait essentiels tels que la notion de rémunération juste ou les problèmes liés à la libre circulation des informations nécessaires à l'interopérabilité.

Nous déplorons aussi de ne pas disposer à ce jour de l'étude d'impact pourtant prévue expressément dans la circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes. Au surplus, la nécessité de transposer une directive n'exonère pas le Gouvernement du devoir d'organiser un débat suffisamment large pour prendre la mesure exacte des enjeux très divers liés à l'avènement de la société de l'information et au développement des technologies. Un tel débat aurait pu associer un plus large public et prendre en compte le point de vue des partisans d'une refonte plus radicale de notre droit, face à la révolution des usages culturels à laquelle nous assistons.


Forts de ce constat, nous pouvions attendre du Gouvernement qu'il retire son texte pour privilégier une recherche plus scrupuleuse du moyen de mieux protéger les droits d'auteur face à l'essor des échanges numériques en ligne. Nous aurions également pu espérer qu'il prête une oreille moins attentive à tous ceux qui réclament un arsenal de mesures coercitives. Tel n'a pas été le cas, et nous le regrettons, car le texte qui nous est soumis se situe très en retrait des attentes de nos concitoyens et en complet décalage avec les réalités nouvelles auxquelles nous confronte le développement de l'Internet.


L'Internet nous lance d'abord le défi de la complexité : comment l'utiliser pour faire progresser la gouvernance locale et mondiale vers une société faite pour et par l'homme ? Tout est là ! L'information, matériau brut, n'a pas plus de valeur qu'une pierre sans sculpteur. Si l'on a assez de discernement pour sélectionner les informations disponibles, on produit du savoir. La nouveauté tient à ce que, depuis quelques décennies, le progrès des techniques a rendu rapide et massive la circulation des idées - comme du reste des nuisances ! L'Internet accélère le flux. D'autre part, nous sommes devenus si puissants que les conséquences de nos actes se ressentent à grande distance dans un délai extrêmement bref. Depuis 2001, plus d'un demi-milliard de personnes sont connectées, à leur domicile, au travail ou même dans la rue. Une intensification si rapide des communications instantanées crée une rupture qualitative. Bientôt, un milliard d'internautes vont interagir. Nous ne pouvons plus penser le monde que comme un système solidaire complexe. A l'heure des réseaux numériques, nous devons garder à l'esprit deux caractéristiques des systèmes complexes : leurs propriétés globales ne se résument pas à la somme des parties qui les composent et ils peuvent évoluer à tout moment, sous l'effet d'un événement imprévisible. L'instabilité - symbolisée par l'effet papillon - a la très heureuse conséquence de fonder la responsabilité individuelle de chacun. Il suffit, dans un groupe, qu'un seul prenne l'initiative pour déclencher une réaction en chaîne. L'Internet étend la chaîne des contacts possibles à la planète. Plus nous pouvons joindre de personnes, plus nous avons de chances de rencontrer celle avec laquelle nous pourrons nouer un échange utile. L'Internet est l'outil démocratique du partage.


Le document numérique provoque une révolution du fait qu'il peut être reproduit à l'infini, sans rien perdre de sa valeur et pour un coût dérisoire. Celui qui le reçoit se trouve libre d'en faire ce qu'il veut. Lorsqu'on lit un livre ou que l'on regarde une image imprimée, l'on ne peut les modifier. Le numérique le permet, aux réserves juridiques près. Le coût quasi nul de la copie des fichiers étend l'impact de l'économie de l'immatériel, laquelle permet de donner un bien sans s'en priver soi-même. Une idée transmise dans une conversation ne s'use pas, et sa diffusion ne coûte rien. Imprimée sur un support matériel, la même idée ne se répand pas sans coût. Le problème est levé si le « support » est aussi peu coûteux qu'une mémoire numérique. Donner un fichier numérisé ne me retire rien, et je puis, sans léser personne, puiser dans l'Internet, qui est, beaucoup l'ont dit, la plus grande bibliothèque du monde. Je peux, de chez moi, en allant aux sources les plus diverses, organiser selon ma propre logique l'information correspondant à mes centres d'intérêt. Et si toutes les sources ne sont pas fiables, tous les experts et livres imprimés le sont-ils davantage ? Le problème tient à la capacité de discernement des utilisateurs. Radio, télévision et téléphone ont rendu immédiate la communication à distance. Mais de ces médias, les deux premiers imposent une relation à sens unique, entre un émetteur central et des récepteurs passifs. Le téléphone permet certes de converser, mais à deux personnes seulement.


L'Internet se distingue de tous les autres médias par les possibilités qu'il ouvre de communications riches en contenu, interactives, entre beaucoup de personnes à la fois. Chacun y intervient sur un plan d'égalité, peut être récepteur et émetteur, pour un investissement de plus en plus réduit. Cela facilite l'expression des différences individuelles ou régionales et devrait renforcer les cultures locales, le multilinguisme, d'où une créativité qu'une monoculture mondiale stériliserait.


Le numérique donne un outil à l'exercice du libre-arbitre individuel, à l'expression de soi et à l'entretien de relations avec les autres. L'une des questions les plus critiques reste celle de la sécurité numérique, laquelle présente deux aspects antagoniques. D'un côté, assurer l'honnêteté des transactions numériques, en vérifiant l'identité des parties et en sécurisant les flux d'argents, dans l'intérêt des acheteurs et des vendeurs. De l'autre, préserver la vie privée des particuliers. La puissance de traitement de l'information peut aussi servir à violer notre intimité et à nous espionner où que nous soyons. Mais à vouloir trop garantir la sécurité, on risque de sacrifier la liberté individuelle et d'instaurer l'ère de Big Brother. C'est une contradiction souvent apparue depuis le 11 septembre 2001, avec les demandes de contrôle des services spéciaux américains.


La menace de Big Brother restera permanente, tout comme le risque de l'écrasement des différences locales, laminées par l'effet de masse d'une offre mondiale souvent médiocre, celle que véhiculent les séries télévisées et les jeux fabriqués pour atteindre le plus grand nombre.


De l'imprimerie à l'Internet, les dangers de chaque nouvelle technique de communication ont été dénoncés par tous ceux qui ont craint qu'elles ne servent les pires causes. Mais tout progrès de la communication a fini par servir mieux la liberté que ceux qui voulaient l'étouffer. Les deux faces du numérique suscitent des tendances antagoniques, les unes porteuses de développement humain, les autres opprimantes. Je suis convaincu que nous pouvons favoriser les premières au détriment des secondes et, qu'une fois de plus, la communication démontrera sa vertu profonde. L'essentiel du travail producteur de valeur est de plus en plus fondé sur la mise en œuvre des compétences et de la créativité. Pour mobiliser cette dernière, qui, à la différence de l'effort physique, ne s'obtient pas par la contrainte, il faut convaincre ou séduire.


Conséquence révolutionnaire : le respect des différences et de la liberté devient une condition d'efficacité. Nulle personne, nulle organisation n'est plus capable de maîtriser à elle seule, dans des conditions économiques viables, toutes les connaissances nécessaires pour résoudre quelque problème un peu délicat. L'efficacité d'une organisation est donc fondée sur la qualité et l'intensité des synergies suscitées entre talents complémentaires et volontés convergentes. Nous sommes arrivés au point où il est devenu moins urgent de mobiliser notre intelligence pour obtenir un surcroît de puissance, que de libérer notre raison pour que notre pouvoir acquis ne soit pas utilisé sans discernement. Le monde a besoin de libérer son bon sens. Le facteur décisif n'est donc plus le niveau de culture, mais le degré de culture démocratique et humaniste, le respect de l'Etat de droit et des libertés fondamentales.


Les réseaux de communication non hiérarchisée de l'Internet constituent un outil précieux pour établir de la communication, donner l'alerte, interpeller l'opinion mondiale, créer une transparence là où des options politiques ou des intérêts particuliers veulent imposer l'obscurité. Des normes sont nécessaires au bon fonctionnement des réseaux mais, dans la logique numérique, les solutions d'avenir se doivent d'être ouvertes, partagées, tout comme les infrastructures routières n'ont pas été réservées aux véhicules d'une seule marque !


Ces différents éléments militent pour l'avènement de logiciels libres. Dans tous les domaines, les citoyens attendent des outils pour mieux choisir, mieux comprendre et se sentir plus forts face aux institutions. Si on veut les y aider, il convient d'appuyer le développement des moteurs de recherche, des agents dits intelligents - ces automates logiciels capables de réaliser pour nous des tâches de recherche et de traitement d'informations, de simplifier des opérations - le législateur devant veiller, naturellement, à ce que les critères utilisés par ces instruments de recherche ne soient pas biaisés au profit de certains acteurs.


Le pouvoir des personnes dans la société et les entreprises dépendra aussi de la diffusion des technologies d'échanges et de collaboration entre pairs. La cohabitation, dans une organisation, d'un système centralisé hiérarchique et de systèmes de collaboration transversaux de pair à pair pour des groupes spontanés, est sans doute le moyen à même de produire le plus de valeur pour tous. Les projets numériques peuvent être sélectionnés en fonction de leur propension à conforter les proximités physiques et à créer des proximités virtuelles, même aux antipodes. Ils doivent intensifier les désirs de coopération, relier les acteurs locaux et mutualiser les ressources. Les techniques d'échange de pair à pair, exploitées par exemple pour échanger livres et fiches de lecture, peuvent servir à construire du lien social, à animer des communautés culturelles, citoyennes ou professionnelles.


La définition des nouveaux systèmes informatiques est l'occasion de choix fondamentaux : le système pérennise-t-il la pyramide hiérarchique stalinienne ou favorise-t-il initiatives locales, collaborations informelles, alliances, expériences, réactivité ? Est-il centré sur le contrôle ou sur l'écoute du citoyen ? Les tâches sont-elles rigidifiées ou plus fluides ? Je suis du côté de l'initiative locale, de l'écoute du citoyen et de la fluidité : et vous, Monsieur le ministre ?


Votre tentative malheureuse est vouée à l'échec ou à une rapide obsolescence, mais elle est surtout dangereuse au regard des libertés publiques, et c'est le point qui justifie à nos yeux d'opposer l'irrecevabilité au présent texte. Quelles seront en effet les conséquences les plus immédiates du projet de loi que vous nous présentez ?


Il aura d'abord pour effet de légitimer les dispositifs techniques de contrôle d'usage et de traçage - les fameuses « mesures techniques » - installés par les éditeurs et les producteurs sur les supports numériques, dans les logiciels, les matériels électroniques et les fichiers multimédias. Cela aura pour conséquence aussi de supprimer le droit à la copie privée et de restreindre de manière drastique l'utilisation dans un cadre familial ou tout autre cadre licite. Il aura aussi pour conséquence d'imposer aux utilisateurs le coût des mesures techniques empêchant la copie privée, cependant qu'ils continueront contre toute logique d'acquitter la redevance pour copie privée payée sur les supports numériques. Ces mesures conduiront en outre à restreindre la diffusion des informations techniques relatives aux logiciels libres.


Graver ses propres compilations à partir d'un CD, extraire son morceau favori pour l'écouter sur son ordinateur, transférer son contenu vers un baladeur MP3, prêter un CD à un ami, lire un DVD avec le logiciel de son choix, programmer, améliorer, utiliser ou diffuser un logiciel libre permettant la lecture d'une oeuvre numérisée : autant de pratiques très répandues et parfaitement légales que le Gouvernement se propose ni plus ni moins que d'interdire.


M. le Ministre - C'est absolument faux !


M. Frédéric Dutoit - Ne tournons pas autour du pot : votre projet de loi est avant tout un texte de prohibition (M. le ministre s'exclame). Vous nous dites qu'il est équilibré, mais vous le faites reposer - ainsi que le soulignait d'ailleurs le rapporteur - d'une part sur les intérêts individuels des ayants droit, des consommateurs et des industriels, et, d'autre part, sur... l'intérêt général, dans une double perspective de développement des services Internet et de financement de la création artistique et culturelle. Un tel équilibre est avant tout d'inspiration marchande. D'ailleurs, vous parlez de consommateur, plutôt que d'usager ou de citoyen, ce que nous ne pouvons pas accepter.


Actuellement, en contrepartie du droit d'auteur qui lui est reconnu, l'auteur ne peut, une fois l'œuvre divulguée, interdire au public la copie privée, la courte citation, le détournement parodique. Il y a donc un équilibre des droits et des libertés. Vous y substituez la loi du marché. De ce fait, à la présomption d'innocence, vous substituez aussi une « présomption d'utilisation déloyale » de la part du public. Avec ce projet, auteurs, éditeurs et producteurs pourront interdire, par des moyens techniques, l'accès à une œuvre aux utilisateurs ne pouvant justifier a priori d'une licence d'utilisation. Ces derniers seront aussi obligés d'acheter des matériels récents équipés des dispositifs de contrôle nécessaires - du moins ceux qui en auront les moyens : la fracture numérique s'élargira encore.


A terme, la liberté de stocker et d'utiliser de l'information pour son usage privé sera excessivement restreinte. La liberté d'expression, le droit à l'information le seront d'autant, et la protection des données personnelles et de la vie privée sera amoindrie, l'utilisateur ne pouvant s'opposer au contrôle de l'accès à l'information protégée.

Ce n'est pas là politique-fiction, ni cauchemar à la George Orwell : ces conséquences sont bien en germe dans votre projet. Sinon, pourquoi prévoir jusqu'à trois ans de prison et 300 000 € d'amende pour avoir lu un DVD avec un logiciel non autorisé par l'éditeur de ce DVD ?


Vous dites agir pour garantir une juste rémunération et la diversité de la création. Mais nul ne prétend que la culture doive être gratuite, ni ne voue les droits d'auteur aux gémonies. Tous les sondages le montrent : 83% des internautes sont prêts à payer une redevance avec leur abonnement à Internet pour télécharger de la musique et des films.


M. Christian Paul - Il faudra transmettre les sondages au ministre.


M. Frédéric Dutoit - Tel étudiant de 19 ans explique que, s'il télécharge des séries diffusées aux Etats-Unis ou au Japon, c'est parce qu'il ne peut les voir autrement que sur Internet et que, si c'est illégal, c'est aussi une façon de ne pas se laisser dicter ses goûts par le marché. D'ailleurs, selon lui, les internautes forment une petite communauté de gens responsables pour lesquels il n'est pas question du « tout gratuit ». Il continue au reste d'acheter un CD par mois, comme auparavant, et note que peu d'artistes se plaignent du piratage sur Internet. Prince avait même laissé toute liberté de télécharger son CD, et en a vendu quand même.


M. le Ministre - C'est sa liberté, d'agir ainsi.


M. Frédéric Dutoit - Ces internautes ne sont pas les délinquants, pirates ou contrebandiers dont vous nourrissez le fantasme. Les échanges de pair à pair seraient-ils responsables de la crise de l'industrie culturelle ces dernières années ? Nombre d'études indépendantes aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon prouvent qu'ils sont sans conséquence directe sur les ventes, et une étude de la FNAC conclut également à un impact très limité sur la consommation de musique en France. Selon l'étude japonaise, ils sont même un outil de promotion de la musique. Ceux qui s'y livrent sont soit des consommateurs assidus qui achètent disques et DVD, soit des gens qui n'auraient de toute façon pas les moyens d'en acheter - dans ce cas, où est le manque à gagner ? - pour ne pas parler de ceux qui téléchargent ce qu'ils n'achèteraient jamais ou qui papillonnent.


Ce n'est pas tomber dans l'angélisme que de rappeler cette grande diversité. Mais vous préférez légiférer à partir de l'a priori selon lequel les échanges de pair à pair sont probablement frauduleux, passibles du délit de contrefaçon et nuisent gravement à l'économie culturelle.


En réalité, le débat est tronqué, pour ne pas dire hypocrite. Internet est un marché considérable qui aiguise les appétits des éditeurs et distributeurs, et aussi, reconnaissons-le, de ceux qui misent sur le développement de modes de consommation gratuits. Cette gratuité favorise effectivement la contrefaçon et le commerce illicite d'œuvres protégées ; il faut la condamner et utiliser à son encontre les moyens de police nécessaires. Mais ne confondons pas tout. Dans la guerre commerciale actuelle, les vrais perdants seront les auteurs, qu'elle menace autant et davantage que la fraude.

Il serait illus
oire de penser que la gestion des droits numériques et tous les systèmes de contrôle leur assureraient demain une rémunération plus équitable. Le coût de ce contrôle augmentant avec le nombre de titres surveillés, pour des sommes collectées décroissantes, les « mesures techniques » favoriseront la concentration des efforts commerciaux sur un petit nombre de titres, et entraîneront aussi la concentration de l'industrie éditoriale, au détriment de la diversité culturelle.


Prétendre que ce projet va favoriser cette dernière relève de la mauvaise foi ou de l'aveuglement, et je m'étonne que certains syndicats ou associations représentant les auteurs aient vu dans le contrôle accru leur planche de salut, même si je comprends leurs réserves à l'égard de l'autre solution, celle d'une licence légale. Mettre en place une redevance sur les abonnements au haut débit garantirait un droit d'usage et de partage sur les réseaux. Tous devraient-ils l'acquitter, ou seulement ceux qui veulent échanger des fichiers ? Comment garantir que tous les créateurs en bénéficieraient ? Malgré ces difficultés, cette voie s'impose comme la plus favorable pour l'immense majorité d'entre eux.


Le partage légalisé des fichiers favoriserait la liberté culturelle, garantirait la liberté de partager, assurerait un équilibre entre le développement culturel et les intérêts des lobbies des médias. C'est à ces derniers qu'il faut savoir dire non, plutôt que de déguiser en confondant leurs intérêts avec l'intérêt général, comme s'y emploie malheureusement votre projet.


Sa complaisance à leur égard suscite d'ailleurs les inquiétudes des bibliothécaires, d'universitaires, mais aussi de l'Association des maires de France, de la fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, de tous les élus soucieux de défendre un service public de la culture. Recourir systématiquement au contrat, comme vous le proposez, placerait chaque bibliothèque, chaque centre de documentation dans un rapport de force défavorable lors de la négociation des prix et des usages. Et pourtant, vous voulez les transformer en simples locataires d'un droit à l'information.


Au-delà, votre texte marque un véritable bond en arrière. Nous voici revenus au XIXe siècle, à l'époque où les éditeurs craignaient de subir un préjudice financier du fait de la multiplication des bibliothèques publiques.


Un député UMP - Vous ne croyez pas à ce que vous dites !


M. Frédéric Dutoit - Vous faites des concessions inacceptables à ceux qui veulent profiter du développement du numérique pour remettre en cause l'accès de tous à la culture et aux savoirs. Ce texte nous place devant deux options : privilégier l'exercice des libertés publiques en reconnaissant que la recherche et l'éducation sont des activités fondamentales ou nous engager sur la voie de la marchandisation de la culture que le Gouvernement nous propose sous couvert d'une simple adaptation du droit à l'évolution des technologies.


D'ailleurs, je partage l'indignation des députés socialistes devant l'opération commerciale qui s'est déroulée cet après-midi à l'Assemblée organisée, Monsieur le ministre, par vos soins.


M. Christian Paul - Les marchands du Temple !


M. Frédéric Dutoit - Elle illustrait à merveille la vision que vous défendez. Aucune neutralité dans les démonstrations de téléchargement réalisées !


M. Didier Mathus - Ça ne s'est jamais vu ! C'est une honte ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)


M. Frédéric Dutoit - Rien sur les possibilités extraordinaires du « pair à pair ».


M. Frédéric Dutoit - Pour moi, le choix est fait et j'invite mes collègues à adopter la présente exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).


M. le Ministre - M. Dutoit, vous n'avez avancé aucun argument démontrant le caractère anticonstitutionnel de ce texte. La liberté d'expression qui règne dans cet hémicycle...


M. Patrick Bloche - Encore heureux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)


M. le Ministre - ...vous a permis d'exprimer votre point de vue.


M. Patrick Bloche - L'actuelle majorité a également utilisé abondamment cette motion en d'autres temps. Vous avez la mémoire courte !


M. le Ministre - Ce projet de loi n'est d'aucune manière liberticide. Il rend possible une offre légale nouvelle grâce à un cadre juridique garantissant la rémunération des auteurs.


M. Christian Paul - A n'importe quel prix !


M. le Ministre - Le terme de marchandisation, que vous avez repris maintes fois, est choquant (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Il faut distinguer la rémunération légitime de l'œuvre d'une logique qui tendrait à faire des œuvres de l'esprit des biens comme les autres. Pourquoi n'avoir pas cité la victoire internationale que la France a remportée à l'Unesco avec l'adoption de la convention sur la diversité ?


M. Frédéric Dutoit - Je l'ai fait lors du débat budgétaire.


M. Patrick Bloche - Maintenant, il ne faut plus des discours mais des actes !


M. le Ministre - Nous avons tous à cœur que les lois du marché, dans ce qu'elles ont de plus draconien, ne règlementent pas les biens culturels. Veiller au respect de la diversité, c'est faire en sorte d'échapper à une forme de domination mondiale et d'uniformisation.


M. Laurent Wauquiez - Très bien !


M. le Ministre - Je crois à la concurrence car elle permet la diversité. En revanche, je récuse la vision romantique et fausse d'un monde où l'absence de droits d'auteur permet le fleurissement de la culture et la rencontre avec une œuvre. Du reste, rien n'empêche un créateur de diffuser son œuvre librement et gratuitement sur Internet. Notre objectif est simplement de rémunérer les créateurs.


M. Patrick Bloche - C'est également ce que nous voulons !


M. le Ministre - D'autre part, au lieu d'affirmer que ce texte menace les libertés individuelles, vous auriez pu saluer la novation juridique que représente la réponse graduée, considérée comme une solution originale par nos voisins européens (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).


Plusieurs députés socialistes - L'amendement du Gouvernement n'a pas été distribué ! Comment en parler ?


M. le Ministre - Je respecte la liberté d'expression mais vous ne m'avez pas convaincu de l'inconstitutionnalité de ce projet de loi !


M. le Rapporteur - Monsieur Dutoit, vous avez commencé votre intervention en criant au loup. Ensuite, vous avez fait référence à une vieille doctrine en parlant de « saut qualitatif » et « d'effet papillon ». Puis, vous avez cité Orwell. Votre intervention était pathétique tant elle était freudienne...


M. André Chassaigne - Oh la la ! Vous vous êtes montré freudien dans d'autres circonstances...


M. le Rapporteur - Dois-je vous rappeler que Big Brother est une image de Staline ?


M. André Chassaigne - Vous choisissez mal votre moment pour donner des leçons de morale !


M. le Rapporteur - Démocratie et marché sont les piliers de la liberté (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vos références inconscientes sont entièrement tournées vers le système totalitaire. Pure fantasme que votre exception d'irrecevabilité ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)


M. Didier Mathus - Le groupe socialiste soutiendra l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Dutoit. Nous sommes saisis de ce projet de loi dans des conditions pour le moins singulières : l'urgence après trois ans sans débat, sans dialogue, durant lesquels le ministère n'a prêté son oreille qu'au seul lobby des industriels de la culture...


M. le Ministre - C'est faux !


M. Didier Mathus - J'ai bien parlé du « ministère ». Du reste, ce ne sont pas les socialistes qui ont délivré des badges du cabinet du ministre permettant aux représentants des lobbies de pénétrer dans l'Assemblée ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est la réalité ! Ce débat est biaisé puisque ce projet de loi a retenu l'option la plus répressive à l'encontre des internautes...


M. le Ministre - Abominations !


M. Didier Mathus - ...et l'option la plus complaisante à l'égard des industries de la culture (Même mouvement). Vous nous avez invités à saluer la novation que représente la réponse graduée mais elle n'est pas dans le projet de loi. Elle est contenue dans un amendement dont le texte ne nous a pas été distribué ! Elle a surgi du brouillard du ministère de la culture à 20 heures ce soir. Est-ce comme cela que vous respectez le débat parlementaire ? En vérité, vous êtes soumis à la pression des industriels de l'entertainment qui sont parvenus à imposer leur vision au prétexte de la crise du disque. Dois-je rappeler que les ventes de disques ont augmenté de 16,5% au premier semestre 2005, que le bénéfice de Vivendi est de 754 millions d'euros cette année et que celui de Sony BMG est de 21 millions de dollars ? Ces PME ont manifestement besoin du soutien massif du ministère de la culture pour faire face aux hordes des télénautes ! Jamais de mémoire de parlementaire, nous n'aurons légiféré sous la pression aussi directe et constante des lobbies ! (Même mouvement)


M. Christian Paul - Juste !


M. Didier Mathus - Au cours de ces débats, le groupe défendra une position d'équilibre entre le développement des technologies pour le bien-être collectif - les 8 millions de télénautes que compte notre pays ont besoin d'une sécurité juridique - et la rémunération de l'acte de création. Pour ce faire, nous proposerons un dispositif transitoire de trois ans, puis l'instauration d'un forfait global et optionnel. Il faut dépénaliser le téléchargement. La surenchère pénale que propose ce texte n'est pas une issue ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)


M. Dominique Richard - L'objet d'une exception d'irrecevabilité n'est pas de lancer le débat avant l'heure mais de démontrer l'inconstitutionnalité éventuelle d'un texte. M. Dutoit ne s'étant pas prêté à l'exercice, le groupe de l'UMP votera contre.


M. Pierre-Christophe Baguet - L'exception d'irrecevabilité n'était pas la motion de procédure adaptée. La transposition de la directive sur les droits d'auteur intervient certes tardivement, mais cela n'est pas inconstitutionnel. Pour autant, il est effectivement choquant que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'ait pas été saisie. Nous rejoignons M. Dutoit sur ce point. On peut également s'interroger sur l'urgence de l'examen après quatre ans d'attente, et sur le choix de la date du débat. Néanmoins, face aux enjeux, le débat est nécessaire, et l'UDF y contribuera par des propositions qui, nous l'espérons, seront entendues. Nous voterons donc contre cette exception d'irrecevabilité.


M. André Chassaigne - La réponse du ministre est un peu rapide, pour ne pas dire cavalière... Quant à celle du rapporteur, elle est scandaleuse ! Renvoyer ainsi M. Dutoit à son « stalinisme »... Comment osez-vous donner des leçons de morale ? Un texte n'est-il pas irrecevable lorsqu'il remet en cause deux principes fondamentaux de notre République - la liberté et l'égalité ?


En effet, Monsieur le ministre, avez-vous nié que ce texte ouvre la voie au contrôle des réseaux numériques, donc de l'information ? Avez-vous nié qu'il autorise les intermédiaires à dire le droit puisque chaque acte sur les réseaux devra être connu, contrôlé, autorisé ? Voilà pourtant une atteinte anticonstitutionnelle à la liberté ! Avez-vous nié la privatisation de la connaissance avec l'extinction du prêt et la généralisation de la vente forcée ? Voilà pourtant une atteinte à l'égalité ! Avez-vous nié que le seul objectif de ce projet de loi est d'enrichir les multinationales propriétaires de logiciels et de pérenniser la domination de quelques grands monopoles ? Vous feignez de protéger le droit d'auteur : c'est une tromperie ! Au fond, vous ne protégez que le propriétaire. Voilà qui est très emblématique du développement du capitalisme - cette recherche du grisbi - qui veut maîtriser la propriété de l'information.


Vous avez mis en cause M. Dutoit par un argument fallacieux sur la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle : il s'est pourtant très clairement félicité du rôle qu'avait tenu la France ! En contradiction avec les idées que vous avez défendues, vous mettez à l'ordre du jour le grignotage du patrimoine informationnel de l'humanité - voilà qui suffit à justifier le vote de cette motion.


M. Christian Paul - C'est du cannibalisme !

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée

......

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#3 21-12-2005 19:21:28

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Re : Le projet DADVSI : compte-rendu officiel

merci smile
le lien directe est sur la page d' accueil de rsr + le stream pour voir le débat en direct


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#4 21-12-2005 19:23:41

Vudock
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Re : Le projet DADVSI : compte-rendu officiel

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QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Christian Paul - En 2005, sept à huit millions de Français ont téléchargé de la musique sur Internet, et plus de trois millions ont téléchargé des films. Vous les appelez des pirates : est-ce si sûr ? La plupart d'entre eux échangent des fichiers numériques à des fins non commerciales dans le cadre d'un abonnement légal. Ces Français ne sont pas différents de centaines de millions d'êtres humains qui, chaque jour, échangent, partagent et copient des œuvres culturelles. Ces pratiques massives et irréversibles bouleversent depuis plus de dix ans la diffusion de la culture.

Les plus puissants des baladeurs numériques - j'en ai deux avec moi - permettent de stocker 60 000 morceaux, soit 3 000 albums. Désormais, la musique est nomade, et jamais le plus grand nombre n'a pu y accéder avec plus de facilité : c'est le fruit de la révolution numérique qui, pour le meilleur et pour le pire, transforme l'ensemble de l'économie. Heureusement, dans le domaine de la culture, le pire n'est pas toujours sûr. Au coût et à la rareté des œuvres sur support physique se substitue l'abondance due à une reproduction illimitée et quasi gratuite. Certes, ce bouleversement affecte les producteurs et les éditeurs, et renouvelle les conditions de la création. La révolution numérique redistribue les rôles et modifie les frontières entre public et créateurs.

Vous avez dit, Monsieur le ministre, qu'il s'agissait là d'un débat historique, et le groupe socialiste vous prend au mot. De ces changements naissent des espoirs : la légalisation des échanges non commerciaux sur Internet n'est pas une utopie - elle est pour demain ! Face à cette mutation, le droit français et européen est d'un autre âge. Certes, nos principes - comme le droit d'auteur - sont solides, mais nos techniques juridiques doivent être revues.

La culture ne s'invente pas au Parlement : quand vient le temps d'écrire la loi, il est souvent trop tôt ou trop tard. Voici bien longtemps que vous avez rendez-vous avec le Parlement sur ce sujet ; vous l'honorez tardivement, mais il eut mieux fallu l'annuler, comme vous l'ont demandé plus de 100 000 internautes qui perçoivent à juste titre ce texte comme une menace. Comme nombre d'entre nous, ils jugent déraisonnable de placer ce débat sous le signe de l'urgence, mauvaise conseillère dans un domaine aussi sensible. Vous m'objecterez le temps passé à la concertation, mais lorsque, dans une démocratie, le dialogue privilégie un point de vue en négligeant tous les autres, c'est qu'il est truqué ! Comme votre prédécesseur, votre conviction est trop exclusive. Devant l'âpreté de cette controverse mondiale, il fallait organiser une confrontation sincère, et non un simulacre, mais vous n'en avez ni la volonté, ni la force.

Ce projet de loi est devenu la drapeau d'une croisade répressive que nous jugeons injuste, moyenâgeuse et inefficace.

M. le Ministre - C'est de la désinformation !

M. Christian Paul - Je vous demande donc ce soir, au nom du groupe socialiste, de l'interrompre. Si elle ne vote pas la question préalable, la majorité devrait au moins, au cours du débat, modifier sur des points essentiels ce texte dangereux, inadapté et lacunaire.

M. André Chassaigne - Le ministre commence à réfléchir...

M. Christian Paul - Il est de mon devoir d'alerter le Parlement. En dépit de son apparence technique, voire hermétique, ce projet de loi est au cœur de l'avenir de la propriété littéraire et artistique. Faut-il, par nostalgie pour un hypothétique âge d'or, durcir à l'excès le droit d'auteur ou, au contraire, lui redonner une légitimité et l'adapter aux réalités actuelles ? Faut-il imaginer de nouvelles formes de rémunération des créateurs ou, au contraire, bâtir des lignes Maginot juridiques pour tenter vainement de préserver l'ordre ancien ? Au fond, il ne s'agit pas simplement de redéfinir des droits en présence : ce qui est en jeu pour les décennies à venir, c'est l'accès libre à la culture, dont chaque pas en avant est une victoire pour la démocratie.

Le Parlement est invité à choisir entre une voie répressive et une voie progressive. La répression est illustrée par les poursuites engagées aux Etats-Unis puis en France pour des faits de téléchargement et de mise à dispositions de musique ou de films, par les perquisitions à l'heure du laitier, par les saisies de disques durs et les sanctions pour l'exemple. Nous fûmes nombreux, au parti socialiste, à demander un moratoire sur ces poursuites qui s'apparentent à des prises d'otage, en vain. Vous prétendez qu'elles permettent de combattre la « piraterie » : voici une notion que le droit - sauf peut-être le droit maritime - ne connaît pas...

Je sais ce qu'est la contrefaçon : provenant de trafics à but lucratif, parfois de réseaux criminels, elle est un danger pour le public et les créateurs et doit être réprimée sans états d'âme. Pourtant, j'ignore ce qu'est la piraterie, et je m'abstiendrai d'utiliser ce terme trop souvent au cours de nos débats, de peur d'appeler « pirates » vos enfants et vos petits-enfants et d'en faire ainsi des délinquants passibles de lourdes peines... (Sourires)

M. Frédéric Dutoit - Très bien !

M. Christian Paul - Vous prétendez combattre ces actes d'échange, mais la jurisprudence récente considère que le téléchargement de musique ou de films ne constitue ni un crime ni un délit, bien au contraire : c'est un acte légal de copie à usage privé et sans but commercial.

Vous réclamant déjà de cette voie répressive, vous aviez déclaré, dans le Monde du 19 juin 2004, que la piraterie sur Internet était un crime contre l'esprit. Dix-huit mois plus tard, permettez-moi de craindre que le verrouillage d'Internet soit une offense à notre intelligence collective. Hier, dans le même journal, vous refusiez d'arbitrer entre la jungle et la taule...

M. le Ministre - J'ai dénoncé l'un et l'autre de façon parfaitement claire !

M. Christian Paul - ...Mais en lisant ce texte, on peut penser que vous préférez le centre éducatif fermé !

M. Jean Leonetti - C'est vous qui êtes fermé !

M. Christian Paul - Je refuse ce manichéisme. Entre le non droit et le verrouillage, il existe une voie de réforme qui connaît une histoire longue et tumultueuse, mais positive. A chaque étape, depuis deux siècles, il a fallu trouver un équilibre entre les droits des auteurs et des ayants droit et ceux du public. Depuis le développement de l'Internet, cette approche a souvent été caricaturée. Ce soir encore, sans vergogne, vous la décrivez comme le mythe de la gratuité totale. Nous n'avons jamais défendu la gratuité totale !

M. le Ministre - Je ne parlais pas de vous ! Vous n'êtes pas le centre du monde !

M. Christian Paul - Vous présentez nos positions comme des fables libertaires ou une philosophie de pacotille. Pour ma part, je prends au sérieux les bouleversements qui s'opèrent sous nos yeux et je crois à des solutions pratiques pour financer des rémunérations compensatoires et des aides à la création. Qui affaiblit le droit d'auteur au risque de le tuer : ceux qui veulent des adaptations aux nouveaux usages culturels ou les majors qui mènent une croisade répressive en s'arc-boutant sur des pratiques obsolètes ? Ceux qui veulent démocratiser la création et permettre à tous les artistes de diffuser et de vivre de leurs œuvres grâce à la technologie d'aujourd'hui ou ceux qui fabriquent, salarient et vendent comme un produit de supermarché de jeunes artistes en prime-time ? Qui est raisonnable : ceux qui fabriquent des remparts de papier ou ceux qui veulent inventer de nouveaux modèles culturels et économiques adaptés au monde qui vient ?

Dans cette approche, il y a de la raison et de l'idéal. De la raison car nous refusons l'idée de gratuité totale, que personne ne défend sérieusement : il n'y a pas de création sans ressources pour les créateurs. Mais les réseaux numériques peuvent être à l'origine d'une avancée considérable, à la mesure de celle qu'offrit l'invention du livre imprimé. Sans ignorer Beaumarchais, nous n'entendons pas mépriser l'idéal de Condorcet d'une culture ouverte au plus grand nombre ni oublier l'appel de Victor Hugo, en 1878, à constater la propriété littéraire, mais à fonder en même temps le domaine public !

C'est à la lumière de cette histoire que nous devons examiner les dangers que recèle votre texte, qui tiennent en premier lieu à son inspiration. Il ne recherche pas l'équilibre entre des droits légitimes qu'il faut concilier : il cède à la panique ! Celle qui a saisi nombre d`acteurs économiques, parmi les plus puissants, et d'artistes devant les évolutions que nous connaissons. Le marché du disque, c'est vrai, a connu des soubresauts. Cette crise a de multiples causes, et la preuve reste à faire que le téléchargement en est la principale. Attribuer la chute des ventes aux échanges peer to peer relève d'une analyse simpliste. D'autres facteurs peuvent largement l'expliquer : la fin du cycle de ce produit qu'est le disque - les consommateurs ont aujourd'hui, pour l'essentiel, reconstitué leur collection en format CD, la crise économique, qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages, les nouvelles technologies - téléphone portable, ordinateur, Internet - qui sont autant de ponctions sur le budget des ménages, et plus particulièrement des adolescents, sans parler de la concentration de l'offre, surtout dans le domaine de la musique, autour de quelques artistes, selon des règles de marketing qui tuent la diversité culturelle. L'étude universitaire la plus récente, menée en relation avec une association de consommateurs et financée par rien moins que le ministère de la recherche, est catégorique : l'intensité des usages peer to peer n'a, globalement, aucun effet sur les achats de CD et de DVD ! Quant au cinéma, il souffre d'une fragilité structurelle. Si vous voulez vraiment soutenir le développement de la vidéo à la demande, abaissez donc la TVA sur les produits culturels à 5,5% ! Il ne s'agirait plus de discours à l'UNESCO, mais d'actes !

Chaque révolution dans les technologies de diffusion et de reproduction, après des affrontements musclés, a abouti à un nouvel équilibre. A l'époque du piano mécanique, les ayant droit de Verdi attaquaient l'un des inventeurs ! Les grands compositeurs se sont opposés aux boîtes à musique ! Mais le législateur a rendu légale la fabrication d'appareils de reproduction de musique : quelques années plus tard naissait l'industrie du disque. Avec la radio, la musique devenait gratuite pour l'auditeur, avec une qualité du son meilleure : vives protestations des producteurs de disques, dont les ventes ne repartiront qu'au prix d'innovations telles que le 45 tours et la haute fidélité ! Et le magnétoscope ? On a cru à la mise à mort du cinéma ! Jack Valenti, le lobbyiste du cinéma américain, déclarait que le magnétoscope était au cinéma ce que l'étrangleur de Boston était aux femmes seules ! Deux ans plus tard, contre Hollywood, la cour suprême des Etats-Unis légalisait le magnétoscope... et le cinéma est toujours là ! Le premier baladeur numérique fut attaqué en 1998 par les maisons de disques - il est aujourd'hui dans des millions de poches - et quand les logiciels d'échange peer to per sont apparus, Napster et Kazaa en tête, les mêmes entamèrent une nouvelle croisade ! La démonstration est évidente : la cohabitation des canaux de la culture, celle des modèles de diffusion dans le domaine musical - disque, vente en ligne et échanges non commerciaux par peer to peer - est possible et souhaitable.

Ce texte est également dangereux par son contenu. Vous faites le choix de sanctuariser par le droit les mesures techniques de protection, donc la gestion numérique des droits. Cela crée d'abord un risque pour la copie privée, même si vous le contestez. Les dispositifs anti-copie que vous voulez généraliser vont inéluctablement réduire, puis supprimer la copie privée.

M. le Ministre - C'est faux ! C'est scandaleux !

M. Christian Paul - Ce n'est sans doute pas votre but, Monsieur le ministre, mais c'est celui des grands acteurs du secteur. Du même mouvement sera tarie la rémunération pour copie privée que perçoivent les artistes. Le second risque concerne les libertés. En ce domaine, la récidive, depuis le début de la législature, est flagrante : c'est la tentation du filtrage, du fichage et, osons le dire, du flicage de l'Internet. En 2004, trois textes sont allés dans ce sens - trois textes en trois mois ! La loi Perben 2 a durci les sanctions contre la contrefaçon, en particulier pour dissuader l'échange de fichiers musicaux sur Internet. La loi dite de « confiance » ...

M. le Ministre - Il y a aussi de la barbarie, sur Internet !

M. Christian Paul - Cette loi de confiance dans l'économie numérique, donc, a cédé nuitamment à la tentation de filtrer les contenus et de renforcer à l'excès la responsabilité civile et pénale des fournisseurs d'accès. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs émis d'expresses réserves sur la nature de ces mesures. Puis la loi réformant la Commission nationale de l'informatique et des libertés a permis aux sociétés de gestion de droits de constituer des fichiers d'internautes en infraction. Le Conseil constitutionnel n'a pas réagi, mais la CNIL elle-même a refusé les modalités techniques qui lui étaient proposés pour détecter automatiquement les infractions. Quel désaveu ! La protection légale donnée aux mesures de gestion des droits numériques crée un risque pour la vie privée. C'est un véritable contrôle de l'usage des œuvres, et même le traçage de nos préférences littéraires et artistiques, puis de tous nos échanges en ligne qui se prépare (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre - C'est faux !

M. Christian Paul - La troisième catégorie de risques concerne l'interopérabilité, c'est-à-dire la capacité de deux systèmes d'information à communiquer entre eux - de lire un CD ou un DVD sur le lecteur de son choix. Vous en avez fait la démonstration cet après-midi, à votre corps défendant : avec le baladeur que j'ai ici, je ne peux rien télécharger sur les plateformes qui sont venues tout à l'heure à l'Assemblée ! Des milliers de Français vont acheter des baladeurs pour Noël. Savent-ils que ce projet de loi les transforme, potentiellement, en délinquants ?

M. le Ministre - C'est lamentable ! Minable !

M. Christian Paul - Je ne voudrais pas vous infliger un voyage au bout de l'enfer numérique, mais prenons quelques exemples de la vie quotidienne. Les mesures techniques, d'ores et déjà installées sur les CD, ne sont pas lisibles sur les baladeurs de cette marque-là : si j'achète légalement un titre sur une plateforme payante, telle que celle qui était en démonstration - à votre initiative - au Palais Bourbon, je ne pourrai pas l'écouter, son format n'étant pas compatible.

Il faudra donc que j'achète ce titre grâce à une carte prépayée - dont vous avez, soit dit en passant, permis qu'elle soit offerte aux députés... belle leçon de gratuité - et que je contourne les mesures techniques installées par la maison de disques, m'exposant ainsi aux peines prévues par la loi - jusqu'à 3 ans de prisons et 300 000 € d'amende.

M. Patrick Bloche - La taule pour Paul !

M. le Ministre - C'est lamentable, c'est minable !

M. Christian Paul - Monsieur le ministre, nous avons un rendez-vous législatif. Vous vouliez lui donner un caractère historique. Je considère qu'à trois reprises en dix minutes, votre parole vous a échappé.

En guise de remède, les vendeurs du plus grand distributeur français de disques et de livres recommandent aujourd'hui à leurs clients de graver le titre sur un Cd vierge afin de pouvoir l'écouter.

Mme Marylise Lebranchu - Exact !

M. Christian Paul - Vous trouvez peut-être cela lamentable, mais si votre projet était voté en l'état, ce distributeur exposerait ses clients à des sanctions. L'alternative consiste donc à se rendre sur la plateforme d'Apple - souhaitez-vous conforter le monopole de ce groupe ? - ou à acheter un baladeur qui puisse lire le format microsoft.

M. Patrick Bloche - C'est donc un choix entre Apple et Microsoft.

M. Christian Paul - La question qui suit n'est pas attentatoire, elle provient de l'expérience vécue par des milliers de Français : le but de ce projet de loi est-il de renforcer le monopole de Microsoft sur les systèmes d'exploitation ? C'est d'ailleurs pour avoir lié le système d'exploitation et le format de diffusion de la musique et des films que la firme a été condamnée pour abus de position dominante par la Commission européenne.

M. Jean Dionis du Séjour - Je ne vois pas le rapport !

M. André Chassaigne - C'est là qu'il y a piraterie !

M. Christian Paul - Mon baladeur peut lire des formats MP3, mais aucune des grandes plateformes ne me propose de titres sous ce format.

M. Patrick Bloche - Attention aux cadeaux de Noël !

M. Christian Paul - Prenons ensemble la mesure du risque que représenterait ce projet de loi en matière d'interopérabilité. Certes, il faut savoir s'affranchir de la technique, mais mieux ne vaut pas l'oublier complètement lorsque l'on légifère.

L'interopérabilité, c'est la possibilité pour un consommateur de copier un morceau de musique d'un CD vers son baladeur, de stocker de la musique achetée sur n'importe quel site. C'est une simplicité d'utilisation qu'il faut conserver au consommateur, nécessaire à la réussite des systèmes de vente en ligne que vous défendez, et que nous ne critiquons pas. L'absence d'interopérabilité, en revanche, c'est l'obligation d'utiliser un baladeur donné pour une musique donnée, et de racheter toutes les œuvres lorsque l'on change de baladeur.

L'interopérabilité permet aussi à tout industriel de développer un système compatible et de proposer ses produits sur le marché. Votre Gouvernement dit se préoccuper d'intelligence économique. Mais aujourd'hui, la plupart des fournisseurs de mesures techniques sont américains ou japonais : nous devons donc préserver un cadre favorable à notre industrie, sans quoi les seuls gagnants seront les grands groupes non européens.

Le premier éditeur mondial de distribution de Linux est une société française, qui crée des emplois. Si l'on empêche le contournement à des fins d'interopérabilité, on empêchera cette société d'intégrer des logiciels libres.

Préserver le logiciel libre n'est d'ailleurs pas dans le seul intérêt des développeurs ou des utilisateurs : il est devenu un bien commun informationnel, indispensable au développement des nouveaux systèmes d'information.

En résumé, l'interopérabilité permet d'utiliser les systèmes de notre choix pour accéder aux contenus et de ne pas nous voir imposer l'utilisation de certains matériels dont les détails de fonctionnement ne nous sont pas connus. Cela est particulièrement important lorsqu'il s'agit d'informations sensibles : comment imaginer que des systèmes utilisés par la défense nationale soient porteurs de brèches de sécurité, exploitables par une puissance étrangère ?

Vous crierez à la théorie du complot. Mais certains logiciels d'IBM et des systèmes d'exploitation de Microsoft ont été épinglés par les juridictions et votre Gouvernement a interdit - à juste titre - l'utilisation d'un logiciel de téléphonie Internet dans la recherche publique.

L'interopérabilité, c'est la République dans le numérique, c'est la langue commune qu'il nous faut préserver contre les clans et les baronnies informationnelles. Une partie de votre majorité souhaiterait durcir ces risques répressifs : un amendement circule dans les couloirs du Palais Bourbon sous le nom de « Vivendi Universal » - allez savoir pourquoi -, qui vise à pénaliser le développement de tout logiciel n'intégrant pas de système de contrôle des actes de son utilisateur.

Disons-le clairement : cet amendement est une arme anti-logiciels libres, en totale contradiction avec la politique de la France. Nous le combattrons énergiquement.

M. Richard Cazenave - Vous soutiendrez donc l' amendement sur l'interopérabilité ?

M. Christian Paul - J'aimerais surtout le voir. Le ministre nous parlait de riposte graduée. Depuis 18 mois, ce sont des représailles massives contre les internautes que j'ai constatées. Je suis donc très curieux d'en découvrir le contenu.

M. Patrick Bloche - Il n'a pas été distribué.

M. Christian Paul - J'en ai eu connaissance ce matin sur un plateau de radio. Faut-il aller à la radio pour connaître les amendements du Gouvernement, Monsieur le ministre ? Mais je ne doute pas que vous réparerez cet oubli à l'instant et je souhaiterais que les députés de l'opposition, nombreux malgré l'heure tardive, en soient destinataires.

M. Jean Dionis du Séjour - Et l'UDF ?

M. Patrick Bloche - Vous faites bien partie de l'opposition ! (Sourires)

M. Christian Paul - Ce texte vient à contretemps, il est terriblement daté car la directive qu'il transpose date de 2001, elle-même étant la conséquence du traité OMPI de 1996, quand les premiers logiciels pair à pair commençaient à peine à apparaître. La Commission européenne réfléchirait même à une modification de cette directive.

Ce texte, hélas, arrive aussi trop tôt : vous êtes prisonniers d'un dogme, celui de la chasse aux pirates. Vous n'avez pas procédé à la concertation nécessaire, ni réfléchi à une alternative. Contrairement à ce que déclarait Jack Lang en 1995 à l'occasion de la dernière grande loi sur les droits d'auteurs - « écrire une nouvelle règle du jeu réclame dialogue et créativité » -, on a laissé s'installer une confrontation brutale. Les certitudes paresseuses des uns se sont additionnées aux tabous irréductibles des autres pour refuser toute avancée.

On a même refusé que soit créée une mission parlementaire qui aurait permis d'affronter les vraies questions plutôt que de laisser le rapporteur seul. Mais il a déjà remis sa copie depuis près d'un an et demi.

M. André Chassaigne - Pas besoin de cela pour leur servir la soupe !

M. Christian Paul - Veillons à ne pas infliger à l'Internet des péages, des verrous, des clôtures, qui, au demeurant, céderont plus vite que vous ne l'imaginez.

Que penser en effet de cette politique du tout répressif que vous proposez aujourd'hui ? L'exemple des Etats-Unis est instructif : ce pays a transposé dès 1998 le traité OMPI en adoptant le Digital Millenium Act, qui interdit le contournement des mesures techniques de protection. Cette contre-offensive réactionnaire a été doublée en France d'une croisade contre les utilisateurs de systèmes d'échange, assignés par centaines, rançonnés pour n'avoir échangé que quelques dizaines de morceaux.

Force est de constater l'échec complet de cette politique aux Etats-Unis. Un article paru le 16 décembre dans le Wall Street Journal nous apprend que les ventes de disques y ont chuté de 40%.

M. Jean Dionis du Séjour - Il s'agit de l'achat de musique en ligne !

M. Christian Paul - Pourtant, aux Etats-Unis, contrairement à la France, une offre légale existe : les consommateurs peuvent trouver leurs morceaux préférés et les télécharger sur leurs baladeurs. Mais en emboîtant le pas aux Etats-Unis, Monsieur le ministre, vous exposez notre industrie culturelle aux mêmes difficultés tout en empêchant l'émergence de nouvelles façons d'accéder à la culture. Le gouvernement Jospin avait su, lui, dans le cadre de la redevance pour copie privée, trouver une solution garantissant de nouveaux revenus aux créateurs.

Enfin, ce texte est tragiquement lacunaire car il fait l'impasse sur des questions essentielles. Concernant les bibliothèques, aucune véritable exception n'est affirmée ; concernant l'enseignement et la recherche, il faudra renforcer les utilisations pédagogiques et le droit de citation des images, de sons et des textes. Enfin, concernant les personnes en situation de handicap, et je pense en particulier aux non-voyants, les dispositifs proposés sont rigoureusement insuffisants. Votre responsabilité est immense, Monsieur le ministre, quand le dépôt légal de fichiers numériques ouverts permettrait de reproduire des livres en braille à des coûts moins prohibitifs ou de les découvrir à l'aide de logiciels de reconnaissance vocale.

Si ce débat doit s'engager, nous devons prendre toute la mesure du passage à la civilisation numérique. Le durcissement des lois sur la propriété intellectuelle s'est généralisé, même si la résistance à cette tentation s'est heureusement manifestée au parlement européen en juillet dernier, lorsque la directive favorable aux brevets de logiciels a été écartée. Vous devez écouter ceux qui proposent des solutions nouvelles, pragmatiques, responsables et respectueuses du droit. Vous auriez pu vous inspirer de la méthode proposée il y a dix ans pour la photocopie. Je cite : « Il s'agit en fait d'un projet de loi simple. Il vient compléter un dispositif qui existe déjà mais qui n'est pas respecté alors que les sanctions pénales sont prévues pour réprimer le photocopillage » Remplacez ici ce dernier mot par « peer to peer ». Je poursuis : « Ce projet vise tout simplement à faire disparaître ce délit. La prolifération des photocopies s'explique par des raisons techniques et culturelles : simplicité, développement du parc des appareils, diffusion des œuvres protégées. Les effets négatifs de la photocopie, vous en connaissez l'importance. Quant aux responsables, ce sont les utilisateurs, nous tous qui photocopions à tour de bras. » Remplacez « photocopions » par « piratons ». Je poursuis : « Qui n'est pas aujourd'hui contrefacteur et justiciable comme tel des tribunaux correctionnels ? Il convient d'assurer un équilibre entre, d'une part, la nécessité de ne pas dessaisir les auteurs et, d'autre part, le souci de faciliter aux usagers le respect de leurs obligations légales en leur garantissant une parfaite sécurité juridique. »

M. André Chassaigne - C'était pas mal ! Qui est l'auteur ?

M. Daniel Paul - En tout cas, pas un apôtre zélé du photocopillage et du piratage puisqu'il s'agissait de Jacques Toubon, ministre de la culture défendant en 1994 la loi visant à adapter notre droit à la technique de la photocopie.

Des solutions réalistes existent pourtant, je pense notamment à la défense de la copie privée et à la création d'une licence globale. Sur ces deux fondements, le législateur peut mettre en place dès maintenant un nouveau système de rémunération pour les musiciens. Telle est la position que nous défendrons ! Le téléchargement est dores et déjà considéré dans nombre de cas comme un acte de copie privée ; la rémunération pour copie privée existe et nous devons seulement l'adapter. Toutes les études l'attestent : les internautes sont disposés à s'acquitter de quelques euros par mois pour accéder à la musique du monde. Ils plébiscitent la solution que nous défendons. Les organisations de consommateurs, les associations familiales et de nombreuses sociétés de gestion des droits des artistes la soutiennent également. Cette proposition, à la différence de ce que certains feignent de croire, ne heurtent pas nos engagements internationaux. Ce choix n'impose aucune limite ou exception aux droits exclusifs mais il constitue une adaptation technique à la réalité des échanges numériques, pour le téléchargement comme pour la mise à disposition des œuvres.

Si l'Assemblée choisit d'engager le débat, nous vous demandons d'agir, Monsieur le ministre, pour la légalisation de l'échange des œuvres musicales et du peer to peer. C'est, quant à nous, un nouveau contrat culturel que nous proposerons afin que les Français puissent accéder plus librement à la culture et pour que la création soit soutenue. Quoi qu'il en soit, en l'état, ce texte de répression et de régression est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. André Chassaigne - Très bien.

M. le Ministre - Si l'on a évidemment le droit de s'opposer à un projet, il est en revanche dommageable de le caricaturer. Ce projet viendrait trop tard ? Nous sommes au contraire pionnier, comme en témoigne l'amendement du Gouvernement, dont je rappelle qu'il a été déposé ce matin à onze heures et qu'il est disponible au service de la séance et à la commission des affaires culturelles. Il est en outre honteux de prétendre que je mène une croisade répressive !

M. François Loncle - C'est pourtant le cas.

M. le Ministre - Mais il est vrai que le parti socialiste n'est pas unanime puisque certains affirment que la licence légale ne constitue plus une solution adaptée pour rémunérer les artistes. Vous prétendez que nous voudrions porter atteinte à la copie privée : telle est peut-être aujourd'hui l'intention de la Commission européenne mais ce n'est en rien le souhait du Gouvernement et c'est là encore caricatural de le prétendre. La loi tient compte de la copie privée, de la simple possibilité de transmettre sa passion ! C'est un scandale de prétendre que nous pénaliserons les consommateurs de bonne foi quand le projet prévoit précisément l'inverse ! C'est un scandale de prétendre que moi-même et les parlementaires qui aurons la fierté de voter ce texte ne voulons pas arbitrer entre la jungle et la geôle quand nous proposons au contraire une troisième voie ! Prétendre que nous ne nous préoccupons pas du respect de la vie privée, de l'encadrement des mesures techniques, de l'interopérabilité, du développement et du respect des logiciels libres, de la concurrence, c'est de la désinformation ! Si vous aviez été sincère, vous auriez au moins rendu hommage à la concertation authentique que nous avons menée. Croyez-vous que l'accord des mondes de la musique, du cinéma, de l'Internet, des diffuseurs, des radios et des télévisions soit le fait du hasard ? Qui a rendu possible une offre légale nouvelle, si ce n'est cette majorité ?

Décidément, non, je ne mène pas une croisade répressive ! L'avenir, c'est avoir le courage de rappeler en quoi les droits d'auteurs, la propriété intellectuelle, la rémunération du travail des artistes sont des valeurs essentielles. C'est également entreprendre une action pédagogique à l'endroit de nos concitoyens les plus jeunes, notamment dans les collèges, car on ne peut prétendre défendre les artistes sans dénoncer le leurre de la gratuité. La troisième voie, c'est la promotion de l'offre légale nouvelle et la réponse graduée de manière à ce que la diversité culturelle soit une réalité. Vous pouvez toujours dire que ce sont-là de beaux discours, mais si nous réussissons à faire reconnaître à la commission notre dispositif de soutien à la création artistique et culturelle, c'est bien plutôt en fonction d'un principe du droit international, celui de la diversité culturelle. D'ailleurs, les institutions européennes nous écoutent.

M. François Loncle - Nous n'avons aucune audience.

M. le Ministre - Le débat montrera que nous veillons au respect de tous les équilibres. J'aurais aimé, Monsieur Paul, que vous soyez moins caricatural car nous devons relever ensemble le défi technologique. J'ai quant à moi le devoir de ne pas laisser propager de fausses informations car jouer sur les peurs et les fantasmes, c'est trop facile ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul - Pathétique !

Mme la Présidente - Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

M. Patrick Bloche - Franchement, Monsieur le ministre, je me demande comment nous allons arriver à la fin de ce débat ! Nous n'en sommes qu'à la deuxième motion de procédure et la manière dont vous avez répondu à Christian Paul, lequel ne vous avait ni insulté ni même manqué de respect, est pour le moins préoccupante...

M. le Ministre - Dire que je mène une croisade répressive, c'est m'insulter !

M. François Loncle - Allons ! Tenez-vous, laissez parler l'opposition ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Bloche - Vous avez qualifié les arguments de notre collègue de lamentables, minables, caricaturaux... Est-ce la parole que l'on attend d'un ministre ? Et n'avez-vous pas été assez longtemps parlementaire pour mieux respecter le débat démocratique ? Au reste, vous faites le procès de l'opposition pour mieux tenter d'oublier que votre propre majorité est très divisée sur ce texte, et que la proposition de loi de M. Suguenot, député de l'UMP, allait plutôt dans notre direction ! Alors, de quel côté sont la caricature, la confusion et la désinformation ?

Comment se fait-il que vous ne puissiez admettre que dans notre pays, où les débats relatifs à la propriété intellectuelle se déroulent toujours dans un climat éminemment passionnel, d'autres réponses que les vôtres sont envisageables, qu'il s'agisse de la rémunération des auteurs ou de l'acquisition d'un droit optionnel à télécharger et à échanger des fichiers ? Nous sommes pour notre part véritablement soucieux de l'intérêt général, lequel commande de respecter les créateurs tout en favorisant l'accès à la culture du plus grand nombre, en se plaçant bien au-delà de groupes de pression tels que ceux que vous aviez conviés dans la salle des conférences... (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Christian Paul a évoqué en termes mesurés et constructifs l'interopérabilité, rendue possible par tous ces équipements - baladeurs, MP3, iPod -...

M. Laurent Wauquiez - Pas de publicité ! Seriez-vous à la solde de quelque grand groupe ? (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Bloche - ...que nos compatriotes ont été nombreux à acheter en prévision des cadeaux de fin d'année. Il est légitime que leurs utilisateurs obtiennent la garantie qu'ils ne seront pas passibles de 300 000 € d'amende ou de trois ans de prison en faisant un usage raisonnable des fonctionnalités de ces appareils ! N'est-ce pas pourtant ce qui est écrit dans le rapport de M. Vanneste et dans votre projet de loi ?

En vérité, l'adoption de la question préalable est d'autant plus justifiée que ce texte, attendu depuis longtemps, vient trop tôt ou trop tard. Et si tant est que nous la connaissions - après tout, l'amendement du Gouvernement n'a été déposé sur le bureau de notre Assemblée que ce matin -, la solution que vous préconisez ne fera pas de la France un pays pionnier en ces domaines. La « riposte graduée », c'est une formule à destination des médias, pas un moyen sérieux de légiférer.

Bien entendu, le groupe socialiste invite l'Assemblée à adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Dionis du Séjour - Adopter la question préalable reviendrait à dire qu'il n'y a pas matière à débattre. A l'évidence, nous ne sommes pas dans ce cas de figure ! Pour avoir eu l'honneur de rapporter la loi pour la confiance dans l'économie numérique, je puis témoigner que la situation de départ semble assez analogue : même sous-estimation initiale de l'enjeu politique du texte, même passion, mêmes craintes, mêmes discours apocalyptiques émanant peu ou prou des mêmes bancs. Depuis son adoption à l'été 2004, aucune évolution dramatique n'est pourtant à déplorer dans ce secteur et je gage qu'il en ira de même du présent texte, lequel tend à transposer - enfin ! - une directive qui a trouvé à s'appliquer sans rupture dans la plupart des autres Etats membres de l'Union. Mettons donc un peu de mesure dans nos appréciations et dans nos propos. Ce texte présente une proposition cohérente...

M. Pascal Terrasse - Allons ! Il est nul !

M. Jean Dionis du Séjour - Libre à vous de le penser mais ne reprochez pas au ministre de manquer de nuance si vous portez de telles appréciations !

Le projet prévoit de favoriser l'émergence de plateformes légales, ce qui constitue certainement une voie d'avenir. Compte tenu des critiques faites par ses principaux détracteurs, l'on pouvait espérer une contre-proposition mirifique. Las, elle se limite à la licence légale, laquelle consisterait en une taxe additionnelle de 6,99 € à l'abonnement à l'Internet, soit environ 30% d'augmentation de la cotisation ! Vous parlez d'une proposition fracassante ! Le bon peuple internaute de France va vous répondre que c'est de la foutaise ! Au surplus, le paiement de la taxe serait optionnel, étant réservé aux internautes téléchargeant des œuvres sous droits d'auteur. Soit, mais où sont les bataillons de fonctionnaires chargés d'assurer le contrôle d'une telle mesure ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pascal Terrasse - Vous préférez jeter les gens en prison ?

M. Laurent Wauquiez - Ne l'attaquez pas ! Il va voter avec vous ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Dionis du Séjour - Et que proposez-vous pour reverser ce qui est dû aux ayants droit ? Une bonne vieille caisse de répartition...

M. Patrick Bloche - C'est faux !

M. Jean Dionis du Séjour - La fébrilité du groupe socialiste montre qu'il est temps de débattre au fond... (Interruptions sur les bancs des groupes socialiste et UMP)

Mme la Présidente - M. Dionis du Séjour a seul la parole. Laissez le conclure.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'UDF est bâillonnée ! (Sourires)

M. Jean Dionis du Séjour - L'intervention de Christian Paul était intéressante à bien des égards mais s'agissant des baladeurs, je l'invite à lire plus attentivement le troisième alinéa de l'article 7...

M. Christian Paul - Dans ce cas, retirez votre amendement !

M. Jean Dionis du Séjour - Il faut encore améliorer le texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Allons ! Laissez l'orateur conclure !

M. Jean Dionis du Séjour - Et nous proposons d'en débattre sereinement. Le Gouvernement a sans doute eu tort de déclarer l'urgence et de retenir cette date pour engager cet examen, mais il faut maintenant aller au bout. Le groupe UDF ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Frédéric Dutoit - J'indique à M. Vanneste qu'à l'instar des dinosaures, les staliniens sont des monstres du passé...

M. Jean Leonetti - Vous ne manquez pas de les réveiller régulièrement !

M. Frédéric Dutoit - Et que, sur de tels sujets, nous devons légiférer en pensant à nos enfants plutôt qu'au passé ! Bien entendu, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera la question préalable car, comme l'a démontré notre collègue socialiste, ce texte n'est pas à la hauteur de l'enjeu, à l'heure ou l'Internet modifie les rapport que l'humanité entretient avec elle-même. Notre propos n'est pas d'encadrer le marché ou d'attenter à la liberté de ceux qui souhaitent échanger, mais bien plutôt d'oser ensemble une réforme globale du droit applicable...

Mme Muriel Marland-Militello - Oh ! la ! la !

M. Frédéric Dutoit - Il est légitime, dans la logique que crée ce nouvel environnement, que les créateurs soient justement rémunérés pour leur travail, sans priver pour autant le plus grand nombre d'accéder à toutes les composantes de la culture contemporaine. Face à un tel défi, ce texte du passé ne résout rien et il est sage de ne pas en délibérer plus avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Dominique Richard - M. Paul réagit en vierge effarouchée sur la question de la réponse graduée. Mais on en parle depuis des mois. Ce matin, son président de groupe a reçu un dossier du ministère de la culture contenant une fiche sur la philosophie de la réponse graduée. Si l'information ne circule pas au parti socialiste, ce n'est pas de notre fait.

M. Christian Paul - Quelle improvisation, quand même !

M. Dominique Richard - Et les amendement sont disponibles en ligne. Nous aurons tout loisir de répondre demain sur le fond, et nous aussi, nous nous interrogerons sur l'interopérabilité, pour que les œuvres ne soient pas prises en otages. Mais la question préalable signifie qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Comment dire cela, alors que notre pays a été condamné deux fois pour non-transposition, et qu'une troisième condamnation serait assortie d'une lourde amende ? Pour toutes ces raisons, le groupe UMP rejettera la question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui a lieu, cet après-midi, mercredi 21 décembre, depuis 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 50.



Commentaires vudockiens: c'est pas gagné...............de la raison ou des lobby, qui aura le dernier mot dans l'hémicycle, avant le passage devant le Sénat?

Dernière modification par Vudock (21-12-2005 19:24:34)

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#5 21-12-2005 23:10:38

maydoo
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Re : Le projet DADVSI : compte-rendu officiel

ça c'est de la lecture! wink j'avais commencé à le lire sur un site (je sais plus lequel) j'ai pas eu le courage et le temps de tout lire, si quelqu'un peux faire un compte rendu c'est cool wink


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#6 22-12-2005 00:50:14

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Re : Le projet DADVSI : compte-rendu officiel

pour ceux qui ont eu le courage de rester a ecouter et vivre un grand moment....


Droit auteur: les députés légalisent les échanges de fichiers
21-12
23:37:35  Les députés ont adopté contre toute attente mercredi soir des amendements légalisant les échanges de fichiers sur internet via le système "peer to peer" (P2P) lors de la discussion du projet de loi sur le droit d'auteur.

L'Assemblée a adopté, contre l'avis du gouvernement, deux amendements identiques en ce sens, présentés l'un par le député UMP, Alain Suguenot et l'autre par les députés socialistes par un vote à scrutin public par 30 voix pour et 28 voix contre.

Ces amendements à l'article premier du projet de loi, article consacré aux exceptions au droit d'auteur, étendent à l'internet les exceptions pour copie privée en prévoyant en contrepartie une rémunération des artistes.

Cela revient à autoriser les copies pour des usages non commerciaux et donc le téléchargement par échanges de fichiers de films ou de musique par le système P2P.

© AFP.


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#7 22-12-2005 03:42:42

Zapan
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Re : Le projet DADVSI : compte-rendu officiel

En gros, les échanges de fichiers par internet restes légaux.
Mais le upload?


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#8 22-12-2005 12:06:26

disorderfusio
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Re : Le projet DADVSI : compte-rendu officiel

bah normalement c'est du p2p donc ils comprennent le download et l'upload je pense

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