Jadis, vivaient en France
Quelques rois en haillons
Qui cuvaient la boisson
Pour vivre en résistance.
Ils couchaient sous les ponts,
A l’abri des regards,
Fiers qu’ils étaient d’avoir
Choisi leur existence.
Ils avaient pris pour nom :
L’insulte de clochard
Qui, mieux qu’un étendard
Hurlait leur opinion.

Ils étaient quelques-uns
Ils deviennent des millions

Les uns, avaient choisi
De vivre en rébellion
Comme une religion.
Se moquant du mépris
Des prêtres, des bourgeois
Ou du qu’en dira-t-on.
Les autres n’ont de choix
Que d’être à la merci
D’une autre subvention.
Ayant perdu leur toit,
Ils ont perdu la foi,
Et meurent d’exclusion.

Ils étaient quelques-uns
Ils deviennent des millions
Ils étaient des champions
On les dit bons à rien

Aux antiques cités
Que l’on disait barbares,
Il était coutumier
Dans l’exil du départ,
D’offrir une autre chance
Comme juste sentence
Aux mortels condamnés.
Mais, dans nos sociétés,
Esclaves du profit,
C’est pour la haut’ finance
Et dans l’indifférence
Que l’on tue par mépris.

Ils étaient quelques-uns
Ils deviennent des millions
Ils étaient des champions
On les dit bons à rien
Ils se croyaient des aigles
Ils n’étaient que des pions

Aujourd’hui, dans les gares
Sur les quais, les trottoirs,
Aux feux rouges, aux feux verts,
Miséreux, grabataires
Ils nous tendent la main
Pour une pièce, pour du pain
Un sourire, un regard,
Une miette, un espoir…
Coupables d’être en vie
Les nouveaux galériens,
Licenciés sans délit
Crèvent comme des chiens.

Ils étaient quelques-uns
Ils deviennent des millions
Ils étaient des champions
On les dit bons à rien
Ils se croyaient des aigles
Ils n’étaient que des pions
Ils étaient l’exception
Ils deviennent la règle

Miguel Dey